La voix de Graine
Tu te souviens, Lilie, quand on allait au restaurant?
A présent, on commande notre couscous à 17 h 30, on le fait réchauffer chez soi 1/4 h avant de passer à table, en tête à tête bien sûr puisque les sorties du soir ne sont plus autorisées! Comme tu le dis, Lilie, vivement que ce journal se referme et que nous puissions aller boire un coup, manger et rire toutes ensemble dehors.
Actuellement, le menu qui nous est servi gratuitement matin midi et soir, à la radio comme à la télé, c’est Covid à toutes les sauces, la sauce sanitaire, la sauce économie, la sauce variante, la sauce vaccination, la sauce déprime. Indigeste et peu appétissant. Pas de quoi se taper sur le ventre.
Pour autant, la météo a été clémente aujourd’hui, et j’ai passé une bonne journée.
Ce matin, j’ai changé la fermeture de mon sac à main. Ça pourrait être mieux fait, mais c’est fait.
Cet après-midi, refroidie par mon expérience d’hier, j’ai laissé mon vélo au garage. J’ai pris le métro. Et j’ai marché.
J’avais mon premier rendez-vous opérationnel dans ma résidence d’handicapés. Dès mon arrivée dans « l’appartement », c’est comme ça qu’ils appellent leur résidence, j’ai été accueillie par des sourires sur les visages. Ils m’attendaient. Nous sommes partis en promenade. J’ai poussé le fauteuil d’Odile en compagnie de Romy qui poussait le fauteuil d’Emmanuel. Pas facile de manier ces engins. Je ne suis pas experte. Nous avons pris des photos. J’aime bien l’ambiance de « l’appartement ».C’est familial. Il y a une douzaine de résidents. C’est chez eux. Le responsable de la structure part à la retraite en mars prochain. Les résidents sont tous attristés par ce départ. Il le connaissent depuis toujours. 17 ans qu’il est à son poste. La préparation de son départ a déjà commencé. Chaque résident y pense.
Après la sortie, je reste un moment avec eux. Imagine-toi, Lilie, un instant, dans un fauteuil roulant avec zéro autonomie? Tu ne peux rien faire seule. Tu dépends des autres pour boire, manger, te déplacer. Je te fais grâce du reste. Leurs seuls moyens d’expression sont, pour certains quelques mots mal articulés, des mimiques, des cris, des gestes désordonnés…Ils m’émeuvent.
Ensuite, direction la crèche du petit-fils. C’est moi qui vais le chercher ce soir. Il babille sur le porte-bébé, puis s’endort.
La voix de Lilie
Quelle belle journée tu as passé Graine. Être utile aux autres lorsqu’on a terminé sa carrière et que l’on est dégagé du besoin de gagner sa vie. Gagner sa vie en en perdant le sens parfois. Souvent même en fin de carrière. Pouvoir choisir ses activités, entre celles pour soi, pour sa famille, pour la communauté, voilà la récompense de la retraite. Et tant que la santé le permet, usons de notre énergie pour en profiter.
Je n’en suis pas encore là. J’aperçois la porte de loin mais elle est encore fermée. Le travail absorbe encore mes semaines.
Ce midi, un ami est venu déjeuner avec nous. Avantage du télétravail, puisqu’on ne peut plus se voir le soir, voyons nous le midi. Nous avions, comme toi Graine, commandé un couscous. Commande à 11h, récupéré à 12h. Cantine à domicile entre 2 périodes de travail. L’humain s’adapte à tout. Prend de nouvelles habitudes. Nous discutons pendant 2h, il y a un moment qu’in ne s’était pas vus.
Le soir j’appelle notre Graine à la vanille et nous discutons plus d’une heure au téléphone. L’avantage d’avoir été la voir l’an dernier, c’est de visualiser ce qu’elle fait, la cuisine, le chien, la nage du matin, ressentir encore la chaleur, le soleil. Sans les moustiques et les babouks !
J’ai pas mal, comme qui dirait, d’administratif à faire pour la maison et l’association de copropriété. J’ai un peu commencé. Peut-être que je trouverai la motivation pour m’y atteler ce week-end puisque nous n’avons strictement personne à voir ni rien à faire.
Aujourd’hui l’indigestion covid est proche, trop de sauce, la coupe est pleine. Ce soir, l’apothéose, le summum du sordide avec la décision de la société qui produit les vaccins qui a remarqué que l’on pouvait tirer 6 doses dans ses flacons vendus pour 5 et qui va donc en envoyer moins pour plus cher. Gain estimé, 1,5 milliard d’euro. Le contrat est relatif aux doses, pas aux flacons. Elle est dans son droit. Tant pis si les soignants n’arrivent pas toujours à capter la 6ème dose, non prévue au départ…. Cette pandémie n’aura rien changé à ses multinationales. Elles ne sont là que pour faire du fric. Vacciner l’humanité, que nenni, vendre des vaccins comme on vendrait des clous, ça oui. C’est à vomir.