La voix de Graine
Courage Lilie, tu as cette chance inouie d’avoir encore tes deux parents, et qui plus est, ont toute leur tête. Mais tu payes le prix fort. T’en occuper alors que tu es toujours en activité, ce n’est pas rien. D’autant que, je confirme, tout est compliqué, de contacter un médecin, de se diriger dans le dédale des démarches administratives…Ma chance à moi, c’est que je n’étais pas seule. Je pouvais partager avec ma petite sœur. Nous nous sommes épaulées l’une l’autre. Dis toi bien que tu fais ce que tu peux. Tu as le droit de vivre aussi ta vie à côté.
Mon père ne réclamait jamais. Il m’a plusieurs fois remercié pour ce que je faisais pour lui. Il m’était sincèrement reconnaissant de ce temps que je lui consacrais. Il m’a dit plusieurs fois. » Je n’ai pas fait pour mes parents ce que tu fais pour moi ». Quand je me remémore la fin de sa vie, à tout ce que j’aurais pu faire, peut-être, et que je n’ai pas fait, je me souviens de ses mots. Et j’accepte de ne pas avoir fait plus. Ce que j’ai pu faire, c’est aussi grâce à mon mari, qui a accepté ce temps dédié à mon père, qui m’a soutenue.
Mes parents me manquent. C’est dur d’être en première ligne. A part les copines, il n’y a plus personne à qui on peut dire « Je n’en peux plus ». Il faut sans arrêt garder la tête haute, regarder devant et avancer.
Heureux temps de l’enfance où nous avons le droit d’avoir peur, d’avoir mal, d’avoir besoin d’un proche pour nous réconforter.
Ma petite fille qui court dans les flaques, qui joue avec le sable mouillé, qui dessine, qui se précipite sous la table , une fois son repas terminé pour s’accrocher à mes pieds, histoire de capter l’attention tout de même. J’aime sa fraîcheur, son enthousiasme, son effervescence, sa curiosité, sa créativité, son énergie. Comment faire pour retrouver un peu de ces qualités qui m’échappent dans les grains du temps qui passe?
La voix de Lilie
Le temps est venu de rentrer chez moi. Je ne suis pas sereine. Beaucoup de choses à faire d’ici tout en travaillant. Les activités reprennent et déjà je me demande si j’ai vraiment envie d’y aller. Tant de choses à m’occuper par ailleurs et si peu de temps disponible. Chaque démarche demande de s’y reprendre à plusieurs fois car il manque toujours quelque chose ou les personnes ne sont pas joignables. Tout est lourd.
Heureusement moi aussi j’ai une petite sœur et nous nous épaulons. Mais elle a un travail difficile, elle sort à petit pas d’un burn out et elle a encore ses enfants à orienter dans leurs études. Elle aussi fait ce qu’elle peu. Nous avons aussi un frère qui se prélasse dans sa nouvelle vie au bout du monde. Pas de parents, pas d’enfants, pas de travail. Que du bonheur.
Demain j’appellerai le spécialiste pour lui rappeler de faire ce qu’il m’a promis de faire aujourd’hui et qu’il n’a certainement pas fait puisqu’il devait me donner le résultat. Et je recommencerai encore et encore. En travaillant. Mon esprit est occupé à tout ça, comment reprendre le travail ?
Quelquefois je me demande si je vis véritablement ma vie. Ou si l’extérieur m’impose une vie. En ce moment aucun choix ne vient de moi. Le travail, les parents, les papiers, la maison, sans parler du confinement. Que me reste-t’il ? Qui décide de tout ce qui arrive et dans quel ordre ? Vaste sujet. Qui juge bon de faire souffrir ou d’emporter d’un coup ?