La voix de Graine
Bientôt un 3ème confinement? La rumeur le dit. La rumeur sur un prochain confinement prend de l’ampleur; tous les pays autour de nous sont confinés. Le couvre-feu à 18 h énerve tout le monde. J’entends beaucoup de personnes dire qu’elle ne le respectent pas.
Ce matin, nous nous réveillons avec la pluie.
J’ai RDV chez l’ostéopathe pour mon dos, suite au lumbago que j’ai eu fin décembre. Elle me dit que la tension dans le bas du dos vient de l’estomac. Que je ne digère pas …Il y a bien des choses indigestes qu’on nous somme d’avaler sans rien dire. Pas étonnant, normal, que mon estomac se rebelle! La séance va permettre de me remettre en bon état de marche.
Cet après-midi, une grande balade, solitaire cette fois-ci. Je descends le faubourg St Antoine. Quelques arrêts pour faire des achats avant le début des soldes demain: des gants, un legging, une tenue pour mon petit-fils. Malgré mes recherches, rien pour ma petite-fille. Je suis décue. Je reprendrais mes recherches après les soldes. Quelques courses de bouche aussi qui me prennent plus de temps que prévu.
En début de soirée, séance de yoga pendant que mon mari fait la soupe. J’avais sorti tous les légumes.
Réfléchir à ce qu’on va manger ce soir, demain midi, demain soir…Acheter le pain, programmer des compléments de course…Le quotidien d’une femme au foyer et d’une femme qui n’est pas au foyer d’ailleurs. La charge mentale. Pourquoi ce sont les femmes qui doivent régenter la vie d’une maison? Où est-ce écrit?
La voix de Lilie
Vaste sujet Graine…. On parle souvent de la bonne à tout faire, rarement de la bonne à tout penser. Pourtant c’est elle qui prend notre énergie, quelquefois même notre joie de vivre, notre insouciance. Toujours avoir un coup d’avance, réfléchir à demain, organiser. Pour que tout aille bien. Ensuite on nous martelle de vivre le moment présent. Trop facile quand le frigo est plein, quand le repas est prévu et fait, quand personne ne manque de rien parce que tout est arrivé par miracle dans la maison. Lâcher prise. Quelques jours, et c’est la fin du bien vivre. Qui prend le relai ? Qui nous cajole quand nous tombons ? Les autres Graines. Tu en as plein le dos Graine, moi je porte tout sur mes épaules. Le corps parle pour nous. Du coup, quel est le sens de l’infiltration qui soulage ?
Tu m’as parlé de ce livre, Graine, dont tout le monde parle. Bien sûr j’entends. Tout ce bruit autour. Toutes ces femmes. Ou plutôt toutes ces petites filles. Qui ont vécu des choses plus ou moins importantes. Qui ont survécu. Qui ont bien vécu. Qui sont passés au dessus. Qui n’ont pas oublié. Qui ont parlé. Ou pas parlé. Peut être pardonné. Comme moi. Ai-je le droit de le dire, comme ça, comme j’évoquerait n’importe quel accident qui me soit arrivé ? Il me semble toujours que le regard sur moi changerait. Une fille sur 5 paraît il, et nous sommes 6 Graines….
Ma petite fille a été en contact avec le covid chez sa nourrice. L’autre maman a jugé bon de laisser sa fille pendant qu’elle attendait son résultat de test. Innommable. Criminelle. Avec des comportements pareils, la pandémie n’est pas prête de s’arrêter. Ma fille est furieuse à juste titre. Nous avons tous des personnes à risques dans nos familles. Mon beau fils est malade. Il attend son résultat de test demain matin. Ma fille est cas contact, c’ est le moins qu’on puisse dire. Elle reste à la maison avec tout le monde, mari à l’isolement. Une chance, exceptionnellement nous ne les avons pas vus depuis une semaine. Nous attendons la suite des événements pour voir qui va être contaminé…
Cette nuit j’ai rêvé qu’un ouragan menaçait de traverser la maison.
Ce temps de vie au ralenti, sans activités, sans sorties nous incite à vivre au présent, à écouter de chez nous les bruits du dehors. A les entendre aussi. Je n’ai jamais passé autant de temps à écouter les émissions de radio…Un écho à notre vie, à notre enfance. Ce qui me paraît essentiel Lilie, c’est de parler, c’est de dire les choses. Quand, à qui et comment, c’est à chacun d’y réfléchir. Il faut trouver le bon moment et la bonne oreille. C’est bien qu’il y en ait qui osent l’écriture, la publication. Parce que ça met de la lumière sur des comportements inacceptables! Que cela cesse enfin, ce silence qui culpabilise les victimes au lieu de pénaliser les prédateurs.