La voix de Graine
Une journée qui se termine, avec la pluie.
Une journée de plus avec la pandémie en toile de fond, les vaccinations, et toujours ce foutu masque sur le visage. Les chiffres sont mauvais. Qu’est ce qui nous attend encore comme restrictions supplémentaires, comme annonces de mauvais augure? Ne pas savoir, fermer les yeux et les oreilles. Malgré tout, rester prudente.
Ce matin, je peins et je fais mon ménage aussi – pas question de perdre la main et la maison doit être propre demain pour accueillir petit-fils. Ma peinture n’est pas finie. L’huile, c’est sympa, mais ça prend du temps. Pour retoucher, il faut attendre que la couche précédente soit sèche. Il faut travailler par petites touches.
J’ai ma petite cousine au téléphone, celle qui vient d’avoir un bébé. Papotages de femmes: maternité, allaitement…Je lui parle naturopathie. J’ai suivi deux conférences hier soir, une sur la naturopathie dédiée aux femmes par une naturopathe bretonne et l’autre sur le bien être au féminin par une femme médecin professeur de yoga. C’était passionnant. Bien en rapport avec nos préoccupations, à nous, les femmes.
Cet après-midi, je me rends à mon appartement d’handicapés en vélo, puisque le temps le permet et que mon poignet m’y autorise. Toute la matinée, j’ai attendu un coup de fil qui me dise de ne pas venir, rapport à la situation sanitaire. Mais non, ils m’attendent. Avec une résidente, je lis Cendrillon, avec une autre, dans sa chambre, un livre d’histoire pour les enfants. Nous abordons les dieux et les héros grecs. Ce n’est pas facile de savoir quel est le niveau de compréhension de mon interlocutrice. J’essaie de provoquer l’interaction, mais ce n’est pas simple. Je me fie au sourire sur le visage. Lui ne peut pas mentir.
Pas de sortie aujourd’hui. Dommage.
Je dois prendre du temps pour chercher des livres et des idées de choses à faire avec eux, histoire de diversifier leurs activités et d’apporter une contribution active et festive à leur quotidien.
Le couvre-feu étant repoussé à 19 h, ce soir, on tente la pizza.
C’est vrai, Lilie que nous sommes gâtées et que nous avons beaucoup. Nous avons pris des mauvais plis ces dernières années, des plis d’enfants gâtés.
Je n’ai pas eu la chance de bien connaître mes grand-mères. Elles vivaient loin de chez moi. Mes enfants non plus n’ont pas eu la chance d’avoir des mamies présentes. Moi je suis contente de pouvoir être aujourd’hui cette Mamie présente qui joue, qui écoute, qui rassure, qui accompagne. A condition de ne pas être que ça!
La voix de Lilie
Enfin le dernier jour de travail de la semaine. Et la fin de la première semaine de reconfinement. Les chiffres sont toujours aussi mauvais et le vaccin avance trop lentement pour faire infléchir les courbes. Je pensais bêtement qu’en vaccinant les plus vieux et les plus malades les hospitalisation baisseraient mécaniquement. Eh bien non.
Ce soir en me relaxant dans le jacuzzi, je regarde la nature autour de moi. Les premiers bourdons butinent les fleurs. Deux petits oiseaux s’appellent et volètent d’arbre en arbre ou sautillent sur le toit. Haut dans le ciel, passent les perruches. Elles envahisssent peu à peu le territoire de nos oiseaux endémiques. Depuis quelques années on ne voit plus de merles dans le jardin. Les gros oiseaux, corbeaux, pies, pigeons sont encore là. Les petits disparaissent peu à peu. Mon esprit vagabonde et saute d’une pensée à l’autre. C’est peut-être ça la méditation au fond. Laisser son cerveau promener à sa guise. Je n’ai pas tes couleurs Graine pour m’enlever la grisaille de la tête.
Pas la possibilité non plus de peindre cette belle image dont j’ai rêvé cette nuit. D’une charette en bois surmontée d’un petit baldaquin décoré de rubans blancs, tout près d’un arbre à sa droite. Le ciel est bleu, c’est l’été. Peut-être que dans une génération on pourra faire une photo de nos rêves. Qui aurait imaginé à notre naissance que l’on puisse avoir le monde dans notre main sans aucun fil relié. Alors pourquoi pas. Quelle sera la suite ?
Oui, j’ai eu cette chance d’avoir une vraie grand mère. Elle me parlait aussi de sa propre grand-mère qui l’avait élevée. Elle me disait qu’après moi le souvenir de sa grand-mère s’éteindrait. Le prénom de cette arrière arrière grand mère est l’anagramme de celui de ma petite fille. Ainsi la boucle est bouclée.
Je sors de l’eau et me dépêche de me secher car le vent s’est levé et je ne veux pas prendre froid. Voilà, la journée se termine. Une journée vide de sens. Vide d’activité. Vide.
Vivement dimanche.