La voix de Lilie
Chaque jour il sombre davantage. Chaque jour je pense que ça ne peut pas être pire, chaque jour ça l’est. Son corps se détraque de tous côtés. Ses pieds et mains sont froids. Il n’est presque plus là. Son regard bleu se voile. Pourtant il ne dit rien ou pas grand chose, ne serre pas ma main. C’est peut-être le dernier jour où je le vois en presque vie. Ou pas.
Ce soir je rentre dormir chez lui, dans ma maison d’enfance, dans ma chambre. Après 20 ans. Ils ne sont plus là, lui à l’hôpital, elle partie avec ses enfants. Curieuse sensation, d’usurper ce lieu qui pourtant a été mien tant d’années.
Toute cette souffrance me terrifie. Cette fin qui n’en finit pas de venir me ramène à ma propre fin. Voir ce corps décharné et douloureux me panique. C’est lui qui m’a faite, je suis faite comme lui. Et je ne veux pas de cette souffrance, pas voir mon corps se déliter. Qui décide ?
La voix de Graine
Aujourd’hui, il va faire chaud, très chaud. Dès 9 h 30, je pars courir avec le copain de mon mari pendant que ce dernier télétravaille et que l’épouse se prépare. Une heure d’un petit footing avant la grosse chaleur. Comme d’habitude, nous courrons sur le chemin du train, à l’ombre pratiquement tout le temps. Un point d’eau nous permet de nous rafraîchir.
Après le jogging pépère, c’est seulement la 2ième fois que je cours depuis que nous sommes à la campagne, le copain me coache pour les étirements post course. Je me laisse coacher avec plaisir. Je complète son coaching de quelques mouvements d’assouplissement sur lesquels il m’accompagne volontiers. Pendant ce temps, son épouse épluche l’ail qu’il a glané hier.
Une petite virée au village pour quelques courses au village avec Madame, je rentre finir de préparer le repas, et c’est déjà l’heure de passer à table.
Après déjeuner, la chaleur est au max. Mon mari et ma fille au télétravail, mes amis à la sieste, je me pose et je me repose. Ce soir, sur proposition de mon beau-frère, nous avons réservé un apéro concert dans les vignes. En préparation de cette grande sortie, nous faisons relâche cet après-midi.
La soirée est belle.La musique est très sympa. Du hot swing. Sur ma droite, la lune quasiment pleine éclaire un gigantesque pin. Pour le repas, cela tient plus du pique-nique que de la gastronomie, mais qu’importe, d’autant plus que le vin est bon.
Comment te dire, Lilie, à quel point ton histoire me touche? J’en ai connu des semblables. Je voudrais t’appeler, te parler, t’écouter. Pour cela, je vole quelques instants hier, aujourd’hui. Pour toi aussi, ce sont des instants volés au présent.
Je découvre en début d’après-midi le message que tu m’as laissé il y a peu. Merci de ton soutien. Essentiel les copines pour se soutenir et relâcher la pression.
Il y a deux jours, nous avons assisté à la répétition d’un groupe dans notre café favori. Mon mari m’apprend aujourd’hui que le guitariste est décédé juste après le concert du soir.
Qui décide, entre la mort brutale d’une personne jeune, le délitement et la souffrance d’une personne plus âgée… Tu as raison de poser la question. Qui décide? Pas nous, assurément. Ce qui est sûr, c’est que c’est insupportable de voir souffrir ses proches.
Merci, Graine, pour ce magnifique message. Quelle injustice de voir partir les plus jeunes.