La voix de Lilie
Une fois n’est pas coutume, commençons par le menu d’hier soir. Je sais que tu l’attends avec impatience Graine ! Dans ce petit hôtel qui ne paye pas de mine, avec douche sur le palier, nous avons très très bien mangé. La serveuse nous a d’abord apporté une soupière entière d’une soupe légumes champignons délicieuse. J’en reprends 2 fois tellement elle est bonne. Puis 2 belles tranches de pâté de campagne, puis 2 entrecôtes chacun ! Avec du riz et des légumes en ratatouille. Un morceau de fromage et un dessert à base de baies rouges, boule de glace et meringue. Comment dire ? Quel repas du soir !
Et pourtant je me sens légère pour dormir. Comme quoi, marcher absorbe toute l’énergie.
Ce matin, après un bon petit déjeuner et un arrêt à l’épicerie du coin, nous voilà repartis. L’étape va bien monter et surtout bien descendre, ce sera un test pour celle de demain qui est la plus difficile.
Au premier virage dans le village, un âne bloque. Il ne veut pas franchir la grille pour les eaux de pluie par terre. Je n’ose pas leur dire qu’il y en 3 coup sur coup dans le village ! La journée commence à peine pour eux, ça va être compliqué !
Il fait beau mais il y a encore beaucoup de vent avec des rafales glaciales. Je suis bien couverte, polaire et coupe vent pourtant quelques fois c’est juste.
Le chemin commence par descendre vers le village voisin où se trouve un très beau viaduc qui l’enjambe et enjambe en même temps le Chassezac. Cette petite rivière me rappelle des souvenirs de vacances avec mes enfants, pas si loin d’ici en Ardèche où nous nous baignions dans le chassezac. Ici il est naissant, là bas il concurrence l’Ardè-che elle même, et s’y jette il me semble bien.
Puis le chemin monte sur la colline. Il y a beaucoup de monde aujourd’hui sur le chemin. Devant, derrière, nous ne sommes pas seuls. L’âne est derrière nous maintenant. Finalement il a rattrapé le temps perdu !
En voulant trouver un petit coin isolé, on imagine pourquoi, je bute sur une pierre au milieu du chemin et emportée par le sac, je chute lourdement. Je n’ose plus bouger. Un instant j’imagine si quelque-chose m’empêche de continuer. Plus de peur que de mal, je me relève, un verre de mes lunettes est rayé, quelques égratignures. C’est le métier qui rentre ! Si on sort du chemin, on regarde où on met les pieds ! C’est pénible en tout cas pour nous les filles de trouver un coin lorsqu’il y a du monde autour. Tu devais bien avoir ce problème Graine sur Compostelle.
Le chemin continue de monter jusqu’au sommet de la colline, la pente est de plus en plus prononcée. Tout en haut, une grande portion de route avant de repartir dans la forêt. La redescente est difficile pour M Lilie, je me demande ce que ça va faire demain… Bah demain est un autre jour.
Aujourd’hui il y a beaucoup de sous-bois, le vent s’y engouffre et nous glace les sangs. Dans les parties ensoleillées, on arrive à ressentir la douceur de l’air lorsque le vent se calme un peu.
Au détour d’un virage, on passe devant les ruines d’un ancien château, enseveli dans la verdure.
On s’arrête peu, car chaque fois on se refroidit. Même la pause repas est raccourcie.
Tout proche du chemin on peut aller voir les sources du Lot. Nous faisons le détour en début d’après-midi pour s’y poser un grand moment. Les sources du lot, ce sont des résurgences dans un vallon ensoleillé et relativement à l’abri du vent. On y reste un bon moment assis au soleil. Beaucoup de randonneurs font le détour, certains s’arrêtent, d’autres repartent. Un homme est installé avec son âne. Il le brosse, le bichonne. Puis remet son bât et repart.
Nous repartons aussi, le chemin longe le Lot, minuscule lit dans son vallon. Le paysage est magnifique. Nous sommes maintenant dans les Cévennes, je reconnais les chemins pierreux, secs de chez moi. A la sortie du vallon le paysage devient même aride.
Nous arrivons dans un village, le premier depuis ce matin. Un habitant nous indique une fontaine pour remplir nos gourdes. Un petit garçon vient y laver quelques gobelets. Nous buvons l’eau de la fontaine, remplissons les gourdes et c’est reparti. 2 virages plus loin, un panneau buvette, on donne ce qu’on veut. Au virage suivant, installé sur un vieux mur de pierre, des enfants dont celui de la fontaine, offrent Sirop de menthe ou grenadine. C’est trop mignon. Ils font ça tout l’été. Beaucoup de randonneurs sont installés dans l’herbe derrière eux. Ils vont faire un bon argent de poche ! On prend menthe et grenadine, dans les gobelets qui viennent d’être rincés ! On donne ce qu’on veut et nous voilà répartis, il ne reste que 2km pour arriver au Bleymard.
C’est la fête au village ici, sur 3 jours. Sur une place en contrebas de notre hotel, un ensemble de chapiteaux de bric et de broc. Les gens sont maquillés, déguisés et tous sortis dans la rue. C’est la première fois en 10 jours que l’on voit du monde ! L’habillement général est très « zadiste », dread locks sur la tête, pantalon et tee-shirt passés. On se demande qui est habillé le plus salement et le plus mal coiffé ! Voilà les cevenols. Nous sommes ici à la frontière entre Margeride et Cévennes. Dans le village, un spectacle de rue, un marché artisanal, des buvettes.
Tous les habitants sont massés au bord de la route principale. Soudain un char improbable tiré par des habitants maquillés et déguisés à qui sera pire que l’autre arrive. Un « roi de la ville » s’agite dans le char. Une fanfare dépareillée et jouant délibérément faux le précède, tous les habitants les suivent jusqu’à l’église.
On ne voit plus des choses comme ça chez nous. Le spectacle des Graines c’est différent !
La voix de Graine
Ce matin, je me lève à 6 h. Ma nuit a été hachée, comme d’habitude, et ma jambe douloureuse, mais je me suis couchée tôt hier soir et j’ai assez dormi. J’en ai surtout marre d’être couchée. J’ai besoin de bouger.
J’écris, je révise mon espagnol, je réponds aux courriers de mon association jacquaire, je prends ma douche…en attendant que mon mari émerge. Il a peiné à s’endormir cette nuit. Et je retourne me coucher pour petit-déjeuner au lit!
Pendant que mon mari va faire les courses, je vais, toute seule, à la pharmacie, faire une petite recharge de médicaments et acheter de l’arnica. D’habitude, quand je me fais mal, je prends de l’arnica, et là, je n’y avais même pas pensé jusqu’à aujourdhui! Je n’en attends pas de miracle, mais je n’ai aucune raison de ne pas essayer. Mon échappée à la pharmacie remplace généreusement mes deux tours de cour du matin, mais pas la séance d’exercices à laquelle je m’attèle dès mon retour dans la cour.
Ma fille m’appelle sur le téléphone. Un voisin s’offusque « vous ne pouvez pas téléphoner ailleurs que dans la cour ». Sympas nos voisins, ils sont cools. Ma fille part visiter une maison cet après-midi. Le papa de la petite est cloué au lit par des coliques néphrétiques. Mais qui pourrait bien garder la petite? A 13 h 30, ma fille nous amène la petite et une heure après, nous récupérons le papa. Il sera mieux à la maison. Nous n’avons pas été longs à reprendre du service.
Entre deux phases actives, je ne peux pas tout de même laisser mon mari tout faire, je me repose sur le canapé avec mes deux poches de glace. Aujourd’hui, j’en mets une autour du mollet et une autour du genou.
Deux virées au square, le ménage dans ma messagerie, la journée est chargée et passe vite. J’ai moins mal qu’hier et j’apprécie.
Cours de Vincennes, une fan zone pour les supporters de Liverpool du match Liverpool/ Réal de Madrid de ce soir a été installée. Les supporters sont là depuis hier. Des anglais partout. Et aussi de la bière. Si je n’étais pas si handicapée, je serais allée voir. Il paraît que le cours de Vincennes est jalonné de pissotières et de tireuses à bière. On ne peut pas traverser le cours de Vincennes. Mon infirmier est un peu vénère, ça lui fait perdre un temps fou car il a des patients des 2 côtés de la rue.
En revenant du square en fin d’après-midi, je jouis du spectacle – dans le stade d’en face, jeunes supporters de Liverpool et petits français jouent au foot. Derrière les grilles, beaucoup de badauds comme moi. Ce n’est pas si souvent qu’on voit jouer les joueurs de Liverpool.
Merci Lilie, pour les menus. Généralement, quand on a marché toute la journée, on a bon appétit. Et ne t’inquiète pas, tu ne prendras pas un gramme.
Vous n’allez pas faire un tour à la fête ce soir? Soyez prudents demain… Gérez bien les pauses. Je vous fais confiance. Vous êtes aguerris à présent. Il ne fait jamais bien chaud sur ces causses, c’est plus réputé pour le froid et le vent que pour le soleil. Je vous souhaite tout de même quelques rayons de soleil bien chauds.
Demain, c’est la fête des mères…