La maison est vide. Vous êtes en vacances. Tous. Enfants et petits-enfants. J’ai récupéré le chat. Il faut bien que je m’occupe tout de même. La maison est vide. Enfin, de votre présence physique. Des traces de vous partout. Du linge, des jouets , de la nourriture. Notre maison est la vôtre. Et c’est bien comme ça. Votre père et moi, nous sommes heureux de nous serrer pour vous faire de la place.
La fatigue se dispute à l’ennui. Vous me manquez déjà. Vous prenez tellement de place. La canicule aidant, je n’ai plus d’énergie. je me laisse envahir par l’ennui.
Hier encore, je construisais des cabanes dans le petit bois au dessus des vignes derrière chez nous à Peyret. J’aimais cette terre rouge, ces collines rondes, ces grains de raisin grenat et chauds grapillés après les vendanges. Après la construction de la cabane, nous nous y installions sur un lit de feuilles pour prendre le goûter. Avec Catherine ma soeur et mon frère Jean-Philippe. Je faisais la maîtresse.
C’était hier. J’avais 10 ans à peine.
Le temps a passé. Si vite. Comme un livre feuilleté à la va-vite. Me voici à la tête de toute une famille.
Mes chers enfants. Vous prenez toute la place. J’en suis tout à la fois comblée et perplexe.
Vous avez vos manières de faire, vos idées, vos envies, vos contraintes…Vos désarrois m’émeuvent. Vos débordements me rappellent les miens autrefois. Vos projets m’enthousiasment. Je suis en admiration devant votre énergie. Je partage vos fragilités. Vous êtes vivants. Vous êtes mes enfants. Ceux que j’ai portés dans mon ventre mais qui ne m’appartiennent pas. Vous vous appartenez.
Je sens bien qu’il est de bon ton que je ne vous encombre pas de mes opinions. C’est légitime. Vous êtes des adultes, responsables, en charge d’enfants vous-même.
Parfois, je vous entends ici et là m’adresser des conseils et des recommandations…Etonnement, perplexité, doute. Ne suis-je pas adulte? Ne suis-je pas responsable? Ne suis-je pas à même de mener ma vie à ma guise? Je repense à mon père. Dans son âge avancé, Il ne prenait plus part aux conversations lors des repas de famille. Entendait-il mal? Certainement.
Peut-être aussi que notre manière de vivre était trop éloignée de la sienne.
Il se taisait. Il écoutait.
Peut-être aussi l’avons-nous abreuvé de conseils et de recommandations dont il n’avait que faire? Sans aucun doute. Pardon Papa. Sollicitude parfois si proche de l’intrusion. Pas toujours facile de se positionner à la bonne distance – suffisamment proche, mais dans le respect du fonctionnement de l’autre.
Graine, ton article est magnifique. Merveilleusement écrit. Touchant. Je t’admire de savoir écrire si bien. Lilie.