La voix de Graine
C’est la pandémie qui redémarre, on dirait la danse des canards, en moins drôle. Je suis vaccinée. J’ai fait ma 4ème injection.
C’est mardi aujourd’hui, un mardi qui démarre sans enthousiasme. Pour me mettre en forme, je file vers le square pour mes exercices. Je salue les copines qui font la gym. J’aimerais bien me joindre à elles, ce serait plus drôle, mais c’est prématuré.
Une fois rentrée, je m’octroie une pause pour coller, dessiner. J’en ai besoin, la déprime me guette. En début d’après-midi, j’ai rendez-vous avec la psy, au téléphone, et en fin d’après midi avec l’ostéopathe. Mon quotidien est beaucoup trop médicalisé et assisté à mon goût. Ce n’est pas bon pour mon moral, mais que faire d’autre que de se faire aider, mes jambes sont flageolantes et ma tête est en vrac!
Entre deux thérapies, nous allons prendre le café sur le Roof top d’à côté avec ma voisine du dessous. C’est sympa. Ma voisine rentre à l’hôpital jeudi matin pour sa double prothèse de genoux. J’ai mal pour elle. Je suis aussi contente que ce soit son heure, car elle ne peut plus marcher du tout. Elle va être opérée dans le même service que moi pour le fémur. Je promets d’aller la voir, ça me permettra de saluer les infirmières et les aides soignantes qui se sont occupées de moi.
J’ai bien avancé sur mon site jacquaire. Je peux même dire que j’en ai terminé pour les festivités d’anniversaire, mais ça a été laborieux. J’ai encore des mises à jour à faire, je les ferais au fil de l’eau, elles sont moins conséquentes.
Ce soir, je fais la ratatouille et j’appelle mon voisin paysagiste à la campagne pour qu’il s’occupe de mon bout de cour. Notre bout de terrain est tellement minuscule que je n’osais pas le solliciter, mais je sais aussi que je ne vais pas arriver à nettoyer et que ça va m’agacer.
La voix de Lilie
Il y a comme un air de morosité dans l’air. Toutes les graines sont touchées. Le moral dans les chaussettes, ta tête en vrac. Je devrais aussi me trouver une psy. Je sais que j’ai besoin de distraction et je n’en ai pas. Le quotidien me tue à petit feu. Je n’ai pas assez d’impertinence autour de moi. Je n’ai plus d’enfants, ce sont des adultes et leur vie m’échappent. Ils ne me racontent rien, ne nous invitent jamais. Tu as ta peinture et toute ta créativité pour t’aider, moi je passe 6h devant mon ordi, le reste devant mon téléphone pour ne pas tomber dans le gouffre qui m’attire.
Mon chat ronronne sur mes jambes, seule manifestation d’attachement. Je la regarde étalée de tout son long dans une attitude d’extrême détente. Quel bonheur cette vie de chat de luxe. Je vais bientôt la laisser pour 6 semaines et cela me fait souci. A l’âge qu’elle a, je m’inquiète toujours, je lui demande de m’attendre. J’espère qu’elle ne déprimera pas trop de mon absence. Mon fils qui reste à la maison ne la caline pas ou pratiquement pas. Lorsque je rentre elle est souvent mal en point, alors je culpabilise de la laisser.
Cette bonne vieille culpabilité qui nous colle à chaque pas. Ne pas être assez ceci, pas assez cela, pas assez gentille, aimante, douce, ménagère, cuisinière, réparatrice, bricoleuse, administrative, organisatrice de de travaux, de sortie, de vacances, souriante et surtout sans rien attendre en retour.
Qui suis-je maintenant ? Que suis-je devenue ? Qu’est-ce que j’aime ? Qu’est-ce qui me fait vibrer ? Où et quand est-ce que je me suis perdue ?