La voix de Graine

Jour de grand beau temps pour ce dernier jour de vacances. Dernier jour avec les filles. Il n’y aura pas école aujourd’hui. Cest relâche.
Ce matin, quelques courses au village pour préparer le départ de ma fille. C’est le marché le vendredi, je n’y pensais plus. J’achète de l’ail. Ce n’est pas la saison, mais mon fils en réclame. Tiens donc! Un stand réunionnais. J’achète du riz créole – un repas de moins à préparer.
En haut du hameau, à droite, derrière la montagne noire, nous apercevons les crêtes pyrénéènnes, toutes de blanc vêtues. Signe que la pluie ne va pas tarder.
Avant le déjeuner, nous passons voir notre petite voisine de droite. Nous voyons bébé, le petit crampon, comme dit sa Maman. Il ne lâche pas son sein. Nous cueillons des fleurs, jouons au ballon, allons dire bonjour à la chèvre, courons après les chats tout en promenant les bébés: poussette, landau.
Après le déjeuner, pris dehors bien sûr, ma fille apprend à sa petite à jouer au labyrinthe et ça marche.
Cet après-midi, j’ai décidé d’appeler mon centre d’handicapés parisien sur Whatsapp. Ce n’est pas instantané, mais j’y arrive. Je suis contente d’être en ligne avec eux. Odile ne veut pas parler à la caméra, ma petite fille non plus…J’envoie des photos, un film.
Après le passage de notre maçon tailleur de pierre en fin d’après-midi, toujours des finitions qui n’en finissent pas, je prépare l’apéritif pour ce soir, notre dernier soir.
Du houmous, sans cumin – je n’en ai pas et ma voisine non plus. Nous mangeons le houmous avec du Pane Guttio que nous a ramené notre fille. Ce sont des galettes sèches de semoule de blé dur.
La petite est au niveau maximum de surexcitation. Si tous les gamins qui rentrent de la campagne sont dans cet état, je plains les maîtresses… Ce soir, c’est ma fille qui prend le relais pour la lecture du Petit Prince. Elle aussi, elle adore.

La voix de Lilie

Une période noire.

La faculté de mathématiques d’Avignon se trouvait dans un vieux batiment avec des arches et une grande cour dans laquelle les étudiants pouvaient garer leur voiture. Elle arrivait toujours dans sa petite voiture rouge. Elle vivait chez son frère. Nous sommes devenues inséparables par les maths. Même esprit, même réflexion, même amour pour cette matière. Nous faisions les mêmes erreurs au même endroit dans les devoirs sur table. Nous révisions ensemble. Elle était 2ème, moi 3ème de promo. La vie nous a gardé en contact même dans nos exils, elle à Château Thierry, moi en banlieue Parisienne. Elle a enseigné les maths avec toujours ce même amour de la matière quand je l’ai trahie en épousant l’informatique sa cousine la plus proche. Je lui ai trouvé son homme pour la vie, parce que mes amis ne pouvaient que lui plaire. Nous pensions la même chose au même moment ce qui nous permettait souvent de gagner aux jeux en équipe. Nous avons passé de merveilleux moments avec mes enfants, puis avec les siens.

Ce soir, je suis orpheline d’elle. De notre jeunesse. De nos rires. De nos jeux de chiffres.

Le crabe l’a emportée. Je pleure sur elle, sur moi, sur cette fin qui nous attend tous. J’ai l’impression de rentrer dans un trou noir qui va emporter tout ceux que j’aime.
Tu vas dire Graine, il faut que je me resaississe. C’est tellement dur. J’ai tellement de chagrin. La vie va continuer et mes enfants, mon mari sont là, près de moi, en bonne santé. Je ne demande rien de plus.