La voix de Graine

La journée s’annonce grise. Il a plu cette nuit. Cependant il fait toujours lourd.

Je reprends peu à peu mes activités, sans beaucoup d’enthousiasme, mais comment faire autrement? Remonter sur le vélo, aller me balader avec ma copine, nettoyer mes vitres, aller voir le psy, faire les radios, les analyses, honorer les multiples rendez-vous médicaux, trouver des cadeaux d’anniversaire pour les filles, mettre à jour mon site jacquaire, prendre des rdv pour visiter des maisons, écrire avec ma copine, préparer le repas du soir…les tâches à faire ne manquent pas, ce sont les projets et les envies qui me font défaut.

Je n’arrive pas à couper le fil de ce blog, Lilie. Alors je partage avec toi déjà très occupée par les activités du quotidien et très affectée d’avoir perdu ton animal de compagnie. Je regrette de ne pas avoir un animal de compagnie, j’en aurais bien besoin. A défaut, je garde les animaux de compagnie de ma fille. Elles sont revenues de vacances avec un petit chat. Nous allons aller le voir ce soir.

Les textes que j’ai mis ci-dessous sont ceux que j’ai écrit avec ma copine mercredi soir.

Aujourd’hui, je reprends mon vélo. C’est une première depuis mon accident il y a presque 4 mois. Je roule prudemment, une petite demi-heure durant, dans les rues encore peu fréquentées de mon quartier en cette fin d’été. J’inaugure mon casque neuf, pliable. Je ne ressens pas de gêne, pas de douleur, je goûte le plaisir de la liberté retrouvée, accompagné d’un peu de crainte. Je sais que je ne dois pas tomber.

Septembre sonne à peine à la porte que déjà les jours raccourcissent à toute allure. Le soir, après le repas, nous allumons la lumière. La journée, par contre, le soleil est généreux, combien de temps encore?

Que faire quand on a le fémur cassé ?
Un « Fais le mur » impératif crie dans ma tête.
Une fois remise de ma surprise, « quelle injonction saugrenue, d’où vient-elle » ?
Je me rends compte que, oui, « faire le mur »,sortir de ma prison, de mon enfermement, décider de ma route, humer le vent du large, c’est bien de ça dont j’ai envie.

Ce matin, petit fils a pris sa moto pour aller au square. En la couvant des yeux, il la gare à l’abri des regards. Pourtant un enfant la repère et l’enfourche. Bien mal lui en prend, petit-fils s’approche de lui, le pince et récupère son bien. Le petit garçon pleure. Je dois intervenir. J’explique, je réclame des excuses. J’obtiens un « J’ai pas envie » en guise de réponse. L’instinct de propriété, la sauvegarde légitime de son bien par tous les moyens, la guerre est en germe dans mon petit bout de chou…Sans discussion et sans ménagement, nous sortons du square avec la moto sous le bras. De la fermeté et de l’obstination, il m’en faut pour que le petit accepte de s’excuser de son mauvais geste. Il veut revenir jouer au square et surtout récupérer sa moto, c’est ce qui le motive pour accepter au final.
Nous repartons au square. Le petit garçon pincé est parti.

En ce début d’après-midi de cette fin d’été, notre balade sur les quais terminée, nous traversons le pont sur la Seine pour rejoindre l’autre rive. Le trottoir est éventré, rétréci. Des travaux sont en cours ici comme dans de nombreuses rues dans la capitale. Réduit à la moitié de sa largeur, le trottoir laisse passer au compte goutte les piétons heureusement peu nombreux. Malgré cela, les vélos et les trottinettes se faufilent dans le passage étroit en slalomant entre les pétons qui râlent.
Demain, c’est la rentrée. Cela promet une belle pagaille.

La voix de Lilie

Quelle période difficile. Comme un grand trou sans fond dans lequel on tombe après avoir cru un instant être libre. Mon chagrin est immense, certainement disproportionné. Mon amour est parti, mon mange chagrin n’est plus là. Mes doigts dans sa longue fourrure, ses ronrons sur mes cuisses, sa chaleur tout contre moi. Je la cherche partout, je me sens vide, la maison est vide, triste , sans bruit.

Ma tendance dépressive m’emporte vers le bas et elle n’est plus là pour me remonter.

Quelquefois je me ressaisis. Quelquefois. Je sais bla bla, belle vie, bla bla, longue vie, bla bla , fait de ton mieux pour elle, bla bla. Je sais. Sauf que je suis seule sans elle. 17 ans de complicité, faire le deuil.

Ma vie va continuer. Mon chemin vers la vieillesse qui l’a vaincue.

Inutile de plomber le moral des troupes, je vais quitter quelques jours ce blog pour une escapade à Minorque. Nous allons fermer la maison sans elle pour la première fois depuis tant d’année. J’espère que cette escapade me permettra de couper cet état d’esprit dans lequel je suis et que je pourrai alors entrevoir la sortie de ce grand trou dans lequel je suis tombée en rentrant chez moi.