La voix de Graine

Ce matin, je me sens en forme. Je décide de partir pour une marche préparatoire. J’accompagne mon mari sur son trajet pour le travail, puis je me dirige vers le bois de Vincennes. En arrivant sur le lac Daumesnil, je croise des pompiers qui courent et mes pensées s’envolent vers toi, Lilie. C’est bien cette idée de donner à une association lors des obsèques d’un proche pour marquer sa sympathie. C’est plus durable que les fleurs. Je ne savais que ton Papa était pompier aussi. J’espère que tu as beau temps. Pour accompagner quelqu’un qui part, je trouve ça sympa le soleil, ça réchauffe le coeur et le corps de ceux qui restent.

Cette fois-ci, à partir du lac Daumesnil, je fais une excursion dans les îles de Reuilly et de Bercy qui sont au milieu du lac. Nous y étions allées, l’année dernière, avec deux graines, je ne ne me souviens plus en quelle saison, fin d’automne, je pense. Je ne rencontre pas grand monde, sauf de grands troupeaux d’oies. Je m’en suis déjà aperçue la semaine dernière, les oies sont beaucoup trop nombreuses. Les chemins sont jonchés de fientes, malgré les nettoyages. Il y a aussi des cygnes, des poules d’eaux, des paons dont un blanc et une femelle. Par contre, Je ne vois plus les beaux canards à cou orange que nous avions admirés l’année dernière.

A faible distance de moi, une dame marche, d’un bon pas avec ses bâtons et son coach. Mon mari m’a dit et répété qu’il ne voulait pas être mon coach pour mon chemin de Compostelle. Alors, moi, je marche seule, ce qui me va bien, me permet de laisser aller mes pensées là où elles veulent aller. La marche solitaire est un vrai baromètre de l’état mental. La semaine dernière, j’avais du mal à lâcher mon portable. Aujourd’hui, je me sens plus cool. Je me laisse aller dans l’instant qui passe. J’hume l’odeur de l’herbe coupée. Les jardiniers sont en train de tailler les pelouses. J’oublie, le Covid, ses vaccinations et ses réfractaires, ses contraintes et son passe sanitaire.

A vouloir faire une petite incursion dans St Maurice, je me perds et je me retrouve à traverser un bras de la Marne…Curieux me dis-je…et je reconnecte mon GPS pour me remettre dans la bonne direction. Je me perds vite. Je n’ai aucun sens de l’orientation. Sur le chemin, c’est pareil, heureusement qu’il est bien balisé. L’essentiel est de ne pas faire fausse route trop longtemps.

Je retrouve les abords de l’hippodrome, le bord du lac de la Gravelle où la seule pêche autorisée est la pêche à la mouche fouettée (!), avec permis bien sûr. Je traverse l’arboretum, l’arrêt toilettes est toujours le bienvenu. Enfin, je me dirige vers le lac des Minimes pour ma 2ième pause: Jus d’orange et crêpe achetés à l’estaminet à côté du restaurant de la Porte jaune.

Après cette 2ième et dernière pause, c’est le moment de rentrer, direction la cartoucherie, le parc floral, le chateau de Vincennes, la boulangerie de la rue des Pyrénées et la maison. Je suis contente de rentrer. Les épaules tirent un peu, mais je me sens bien moins fatiguée que la semaine dernière. Le désengorgement du foie et de vésicule biliaire ont dû faire effet.

Il me reste l’après-midi pour buller et faire les menues tâches courantes qui m’incombent. Demain matin, ma belle-fille m’amène petit-fils et je vais le garder jusqu’à vendredi soir, nuits incluses.

La voix de Lilie

Mon frère vient de vous retracer le parcours de papa, je vais vous lire un petit mot pour dire qui il était.
Papa,
Peut-être que ce qui te caractérise le plus, c’est ton Independance. Ce besoin de faire ce que tu veux 45 quand tu veux. Ce besoin de ne rien demander aux autres. Jusqu’à l’extrême limite, où tu y as été obligé par la force des choses.
Mais aussi ton ingéniosité, comme lorsque d’une vielle machine à laver tu avais fait un stérilisateu 1er à bocaux, ou plus joueur lorsque tu faisais rouler la voiture au gaz, la bonbonne dans le coffre.
Ton humour, comme lorsque tu avais installé un combiné de téléphone, avec sonnerie, dans la 4L pour faire croire qu’il y avait 45 un vrai téléphone dans la voiture, les chansons idiotes et un peu irrespectueuses que l’on chantait.
Tes passions.
Je te revois toujours dans ton garage. Si ce n’est ta pièce préférée de la villa (on l’appelait comme ça), en tout cas, celle que tu utilisais le plus. Toujours en train de bricoler quelque chose ou sur une voiture.
Tes vielles voitures, celle que tu as achetée, celle que tu as refaite, celles que tu as abandonnées en route faute de pièces. Quelques années à chiner dans les vielles fermes alentour pour trouver des carcasses, des moteurs.
Ta fierté de les faire rouler, encore aujourd’hui.
Et bien sûr, tes collections. Des journaux, de l’illustration à paris match, des fers à repasser, des moulins à cafés et dernière en date, des capsules de champagne. Toutes prétexte à des promenades dans les brocantes.
Tes lectures, sur la guerre, surtout celle de 14 et la recherche, fructueuse, de ton oncle Arsène.

Tu as tout batti de tes mains, avec quelques aides parfois, ta maison (je te revois construire le trottoir, avec meno il me semble), ta piscine (avec Pierre Henri) dans laquelle tu te baignais chaque jour en été et jusqu’à il y a encore quelques jours et tu y étais très attaché.

Si je te regarde, je te vois, allongé sur ton canapé, les jambes repliées, en train de faire des mots croisés.

Je ne pensais pas que tu puisses partir si vite, tu étais tellement en forme jusqu’à l’an dernier. Tu faisais tellement plus jeune que ton age, souple encore comme un jeune homme. Je suis heureuse d’avoir pu t’accompagner jusqu’au bout avec ma sœur et l’aide de ta petite fille.
Tu as fermé tes beaux yeux bleus, dort bien Papa.