La voix de Graine

il y a quelques jours, je quittais le chemin. En début d’après-midi, j’ai quitté l’espagne. Et me voici à présent dans le TGV en route vers Paris. La parenthèse ouverte se referme. Je vais reprendre ma vie, jusqu’à ce que j’éprouve à nouveau ce besoin impérieux d’ouvrir une nouvelle parenthèse.

Qu’elle m’a fait du bien cette escapade! L’arrivée à Séville, le départ sur le chemin, le soleil, la chaleur, les rencontres, les ampoules, la recherche des hébergements, la solitude, les départs de nuit, la bière fraîche, le vide, la nature, la meseta, la pluie, le vin blanc, les nuits courtes …Et enfin Salamanque, la pension tout près du centre, les visites, la lessive, les pinchos. la journée de bus pour rejoindre San Sebastian, les retrouvailles avec ma copine du Camino del Norte, la visite de San Sebastian..Tout est passé si vite. Le train roule et me ramène à Paris, près de ma famille et de mes proches, mon mari, mes petits, mes copines. Je suis contente de rentrer, mais dans le fond de mon cœur, je garde comme un trésor rare ces moments précieux de vie, allégés des soucis du quotidiens, centrés sur la marche et sur la satisfaction des besoins essentiels: manger, boire, dormir, échanger, ressentir.

Dans le train entre San Sebastian et Hendaye, une espagnole, Karina, entame la conversation. Elle me rassure sur le trajet, je lui parle du chemin. Elle me dit plus tard, je travaille je lui dis maintenant, par petits bouts, je lui montre des photos.

A la sortie du train, à Hendaye, je fois montrer mon passe sanitaire. Je l’avais oublié celui-là. Ça n’existe pas en Espagne…

À Salamanque, j’ai acheté quelques cartes postales, que je n’ai pas envoyées.

Les sentiments qui me traversent s’imbriquent les uns dans dans les autres, quand ils ne s’opposent pas: la joie de rentrer teintée d’une légère tristesse à l’idée de fermer la parenthèse. Sur le chemin, les relations sont simples et vraies. Nous avons peu. Nous partageons ce que nous avons. Nous sommes uniquement des pélerins, tous à la même enseigne. Le statut social, l’âge, la condition physique, le sexe n’ont guère d’importance. Nous partageons le même objectif, celui d’avancer d’étape en étape, en ménageant nos forces et en subvenant à nos besoins essentiels. Nous avons tous le sentiment d’appartenir à une même famille. Et Dieu dans tout ça? A l’exception d’un couple italien hyper catho et hyper rigide, la religion a été peu présente sur mon chemin cette année. Au départ je me suis mise sous la protection de Dieu, à ma manière, et j’ai fait tamponner ma crédencial dans des hauts lieux religieux…Je n’ai pas vu plus de dévotion chez mes compagnons de route. A l’inscription dans une auberge, une hospitalière nous a demandé quelle était notre motivation pour faire le chemin. Mes deux compagnons ont indiqué « tourisme » pour l’un, « culturel » pour l’autre. Pour ma part, j’ai indiqué « spirituel ». Indiquer un autre motif me paraît du déni. Il y a tout de même des moyens plus efficaces et plus confortables pour visiter et s’enrichir culturellement parlant!