Le passage à la marche avec une seule béquille n’aura pas lieu. Le kiné a dit non. Les muscles – mollets, cuisses ont fondu, la consolidation osseuse n’est pas faite, il faut continuer à marcher avec les deux béquilles. Les poignets commencent à fatiguer, alors, il faut moins s’appuyer sur les bras et davantage s’appuyer sur les jambes.

Et marcher de plus en plus, pour renforcer la musculature. Il promet d’être long ce voyage.

Ce matin, réveil à 6 h -1/4 pour le passage de l’infirmière. C’est jour de la prise de sang. J’ai ouvert en grand les fenêtres. Dehors, il pleut. La pluie assourdit les bruits de la rue, quelques moteurs de voitures, motos, mobylettes. J’ai mis ma lessive en route. Le tambour donne le rythme tandis qu’à l’extérieur les pigeons roucoulent. J’aime les bruits du matin. Ils sont discrets. Comme je n’ai rien d’autre à faire vu que n’ai pas mes lunettes et que tout le monde dort, je suis attentive. J’écoute tout en rêvassant.

Se lever tôt, c’est bien, ça me permet de faire mon tour matinal au square et de faire mes exercices au calme. J’apprécie. Et comme je rentre tôt, la matinée m’appartient.

Aujourd’hui, mon mari est parti travailler au bureau, mais je ne suis pas seule. Mon gendre, l’ex, est revenu s’installer à la maison. Pour autant, nous sommes chacun dans une pièce à nous atteler à nos activités, moi mon site jacquaire, aujourd’hui, j’ai entrepris de vérifier tous les liens, mon gendre à son travail, de réunion en réunion avec l’autre bout du monde. Nous ne mangeons même pas ensemble car j’ai rendez-vous à midi chez le kiné.

En milieu de matinée, ma sœur m’appelle. Son appel fait office de pause. Nous discutons de choses et d’autres, de tout et de rien: jardinage, santé, météo, famille…

Mon activité de l’après-midi ressemble à mon activité du matin. Je n’arrive pas à me remettre à mon collage.

Mon gendre va chercher sa petite. Je fais une dernière sortie avant de me mettre à la cuisine. Le temps s’est mis au beau. C’est agréable d’être dehors. Je vais m’acheter un carnet pour faire des collages. Ne sachant pas me décider sur le format, j’en achète deux.

Une journée de plus, une étape sans grand intérêt, mais qu’il fallait bien faire, pour avancer.

La voix de Lilie

Ce matin réveil 7h, moi aussi c’est très tôt. Je dois être à Paris pour 9h. C’est la première fois depuis 2 ans que je vais prendre les transports en heure de pointe. Depuis la pandémie, j’ai décalé mes horaires et retrouvé mon véritable rythme biologique. Je suis bien plus reposée qu’au temps où je me levais trop tôt pour aller chaque jour au bureau. Comment ai-je pu tenir pendant toutes ces années ?

Alors ce matin, je plonge dans le grand bain du RER et du métro bondés. J’ai mis un masque, là encore pour me préserver des malades qui prennent les transports, toussent, éternuent. Pas un rhume depuis 2 ans, alors le masque, je continue. Dans les trains, peu de gens masqués, même pas un quart je dirais. Les gens retrouvent leur vie d’avant. Moi j’aime tirer bénéfice de l’experience.

Journée apprentissage du « travailler ensemble ». J’en ai vu tant et tant pendant ma carrière que tout ça n’est que du bis repetita pour moi. Mais je suis contente de participer à cette journée hors du quotidien et de retrouver du monde après tant de télétravail. Je me suis rendue compte à cette occasion de combien il m’est désormais difficile de rester assise à écouter une présentation sans faire autre chose sur un écran en parallèle. Je m’ennuie très vite, l’envie de traiter un email, de regarder mon téléphone me taraude. Me concentrer sur de la seule écoute n’est plus possible. Comme un cancre, je regarde par la fenêtre, mon esprit par ailleurs, sur le chemin, sur les actions à planifier pour le we. Moi qui était si attentive, si bonbe élève, si concentrée, si sage, je ne me reconnais plus.

Je rentre tard ce soir, et je retrouve petite fille et son papy qui m’attend pour diner.

Voilà une première journée de reprise. Agréable. Le train train ce sera pour demain.

Comme toi, une journée de plus. On aimerait qu’elles aient toutes un petit plus, un petit quelque chose qui nous fasse nous sentir vivantes. Et pourtant, dans chaque journée sans grand intérêt, il y a nos heures de vie passées, nos amours, nos amis, nos joies, nos peines. Ces jours sans intérêt particulier sont aussi précieux que les autres jours.