On a vu des collines, des montagnes, des vallées, des sapins, des chênes, des châtaigners, des pins, des chateaux, des ruines, des lacs, des rivières, des sources. On a dormi dans des gîtes, des hôtels, des roulottes, une colonie. Pris nos repas, avec nos hôtes, avec les autres randonneurs, à la table familiale, dans une grande tablée, seuls. On est parti pour la première fois avec le sac à dos, on a appris à le remplir, le vider même au départ, le porter, l’apprivoiser. Il nous a pesé sur les hanches, les genoux, les cuisses dans les montées. Je pensais marcher dans des sentiers, j’ai cheminé sur un long chemin, large la plupart du temps. On a marché, beaucoup.. Monté, descendu, beaucoup.. Le chemin c’est 8000 de dénivelé positif et 9000 de dénivelé négatif, monter et descendre l’everest ! J’ai écouté le vent dans les arbres et les champs de blé, le chant des oiseaux, l’appel du coucou, les lezards qui détalent dans les herbes sèches à notre passage. On a croisé des gens, des couples, des groupes, des amis, des jeunes, des moins jeunes et toujours échangé un mot, une impression de marcheurs. On a vu des vaches, des veaux, des taureaux, des chevaux, des poulains et quelques moutons dans les prairies, on a vu des ânes sur le chemin. On a croisé des villages plus petits les uns que les autres, sans même un café pour s’arrêter. J’ai souvent angoissé à l’idée d’avoir embarqué M Lilie dans cette épreuve, angoissé pendant quelques étapes plus difficiles pour son genou. Je me suis rassurée ensuite, le genou n’aime pas descendre, mais il va bien dès le plat retrouvé. J’ai rêvassé en marchant, refait mon monde, déconnecté. J’ai adoré cette expérience d’être à l’écart du monde. J’ai touché mes limites, je les ai éprouvées, je sais maintenant plus précisément ce que je peux et veux faire.
Il est temps de rentrer maintenant. A côté de nous, ta place est vide dans le TGV. Ton chemin continue, il est bien plus long. Tu as fait le plus difficile, tu bouges déjà beaucoup. Tu en fais presque autant qu’avant ! Sauf ce collage, qui ne vient pas. Pourquoi ne pas entremêler tes béquilles et mes batons de marche ? J’ai quitté les miens aujourd’hui, tu quitteras bientôt les tiens et on fêtera ça ensemble. Mes bâtons me manquent déjà, tu jêteras les tiens avec rage !
Je vais trouver un nouveau projet de chemin…
La voix de Graine
Je te sais sur le retour, Lilie. Tout à mon collage, hier, je n’ai même pas pensé à ouvrir le blog. Ce collage qui ne vient toujours pas. J’ai prévu trop grand et mon horizon est bien étroit, ça ne peut pas coller.
Pendant que tu explorais, parcourais des paysages nouveaux quasiment déserts, que tu crapahutais, grimpais, dévalais, découvrais, t’extasiais, t’aérais, respirais la nature et le vent à grandes goulées, flirtais avec tes limites et les limites du genou de M. Lilie, je continuais mon voyage immobile. J’ai arpenté des contrées insoupçonnées, la douleur dans les jambes, aïe, qu’est ça m’a fait souffrir.
La douleur est partie. Plus d’anti-douleurs, plus de bas de contention la nuit et le jour, je m’interroge encore. Mes douleurs sont à présent musculaires et articulaires, comme les tiennes. Ce sont enfin les muscles et les articulations qui prennent le relais. « Tu en fais trop », me dit mon mari. Oui, certes peut-être, mais c’est sans doute grâce à mes exercices répétés que les douleurs dues à une mauvaise circulation se sont atténuées puis ont disparu. Mes nuits sont bien meilleures, quasiment normales.
J’ai aussi, bien heureusement rencontré la chaleur et le réconfort de mes proches, de mes copines. Pas un seul jour sans un mot gentil, une visite, un repas partagé, une attention. Moi qui d’habitude est celle qui réconforte, ceux sont les autres qui ont pris soin de moi, qui m’ont nourrie, visitée, distraite. Ces attentions m’ont beaucoup touchées. Je n’ai pas eu le temps de sentir seule.
Ce week-end, nous avons gardé petit-fils, ma fille est venue dormir samedi soir, mon mari est revenu dormir avec moi,mon gendre revient chez nous ce soir pour une semaine. La vie reprend son cours. Dans ma tête, l’accident s’éloigne, mais gare si j’oublie mes béquilles, je suis bien incapable de marcher sans. Tous les jours, avant midi, la visite de l’infirmière pour la piqûre me rappelle aussi mon état.
Première sortie en voiture dimanche, pour aller voir le spectacle de théâtre de ma petite fille. Ce n’était pas loin, ce n’était pas long…Malgré tout, au retour, j’étais épuisée.
Ce matin, j’ai suivi mon dernier cours d’espagnol…
Comme toi, je dois faire le bilan de ce voyage et décider de quoi j’ai envie pour demain. Non je ne jetterais pas mes béquilles avec colère, elles m’ont soutenue et me soutiennent encore et je leur en sais gré. Cet arrêt brutal n’est pas anodin, il résonne en moi comme un impérieux besoin de me poser pour envisager sereinement l’avenir. Sûr, je préfère les bâtons de marche. Ce sera pour une autre fois et ce serait super que nous puissions être ensemble cette fois-ci!
Le chemin est terminé. Je me sens un peu désœuvrée, bizarre. Quelque chose me manque. Une étape, de la verdure, marcher.
Les courbatures d’hier se font toujours sentir ce matin. Heureusement nous prendrons le bus en début d’après-midi. Il y a un arrêt juste derrière l’Auberge, même si l’aubergiste ne l’a pas remarqué et nous en indique un à 400m de là ! En attendant, nous allons faire un tour dans Saint Jean du Gard. La ville est animée ce matin, avec un petit marché. Nous passons devant la vieille tour de l’horloge et allons visiter le musée des cevennes dans la maison rouge. Ce musée retrace l’histoire des cevennes depuis les guerres de religion et l’apothéose dans la violence entre les camisards et les catholiques sous Louis XIV, jusqu’aux 2 guerres mondiales. Et bien sûr, Stevenson et son voyage avec une reconstitution de son bagage surréaliste ! On y retrouve toute la vie, les activités et l’outillage des anciens. On découvre ou re-découvre la fabrication des murets en pierres sèches, la récolte des châtaignes, la fabrication des fromages, les ruches en tronc d’arbre, l’élevage des vers à soie. Et tous les produits dérivés réalisés à partir des rebuts, vannerie, rembourrage, tissus. Un musée très intéressant, installé dans une ancienne magnaneraie. Je me souviens de mes premières années de primaire, où nous apportions des feuilles de mûrier pour nourrir quelques vers à soie que nous regardions grandir et faire leur cocon en fin d’année scolaire. La châtaigne que j’adore, il faudra que je relise comment ils les épluchaient à coup de sabots cloutés. Il fait très chaud aujourd’hui, c’est vraiment le sud, l’été d’ailleurs, Saint Jean du gard est la première ville dans laquelle on trouve des lauriers en fleurs. Nous prenons le bus vers 13h. Il nous dépose à Alès une heure plus tard. Après 2h de repos, nous visitons la ville, à pied, bien sûr ! Il fait une chaleur terrible, on se croirait au mois d’août. Dans l’ensemble, cette ville est moche et particulièrement sale. Il y a pourtant des zones semi piétonnes, des allées de platanes avec des restaurants mais les rues sont sales, les bâtiments et les maisons sans entretien, noircis par la pollution. Les parcs ne sont pas entretenus non plus. Cette ville aurait du potentiel, proche de Nîmes avec son tgv, au bord du Gardon, mais visiblement quelque chose empêche son embellissement. Ça et là on trouve quelques essais de décor, là encore sans nettoyage et sans vision d’ensemble. Les vacances se terminent ici, demain c’est le retour. Et si j’ai bien compris la météo, la pluie m’attend.
Et tu m’attends aussi pour jouer, Graine, j’arrive !
La voix de Graine
C’est samedi aujourd’hui. Tu t’apprêtes au retour, Lilie. Et la marche te manque déjà! C’est addictif, les marches au long cours. La marche, c’est un dopant, un anti-dépresseur naturel…et bien sûr, il y a la nature, les couleurs, le grand air, les grands espaces…Voir les montagnes en face de soi ou prendre le vent de face, en terme d’ouverture et de respiration, ce n’est pas la même chose que d’avoir pour horizon l’immeuble ou le square d’à côté.
Moi, je continue mon petit train train. L’infirmière m’a proposée d’appeler l’hôpital pour que le médecin réduise le nombre de piqûres d’anticoagulant. ma prescription en prévoit 45. J’en ai déjà fait 27. J’ai réussi à avoir le service de l’hôpital: c’est le protocole m’a dit la personne au bout du fil, on va regarder, on vous rappelle…Je doute fort qu’ils me rappellent. Je fais partie des personnes à qui on applique le protocole à 45 jours, j’aurais droit à mes 45 piqûres! Une chance, les piqûres dans le ventre ne me font pas mal.
Aujourd’hui, ma sortie du matin, je la fais pour me plaindre à la station de métro d’avoir été prélevée en juin pour mon pass Navigo alors que j’ai suspendu mon contrat. Une sortie comme une autre. Les exercices, je les fais dans la cour, c’est plus cosy.
Cet après-midi, nous avons le passage de l’aide-ménagère. Pendant qu’elle fait le ménage, j’ouvre un compte en ligne parrainé par mon fils. Ma première et dernière banque en ligne se sépare de ses comptes particuliers. Je suis obligée d’en changer.
Mon collage attend toujours, pas moyen de m’y mettre. Il a toujours quelque chose de plus prioritaire à faire.
A 16 h 30, mon fils arrive avec son petit. Nous le gardons cette nuit. Nous avons juste le temps de passer un petit moment au square que la gardienne siffle pour nous demander de sortir. Ce n’est pas l’heure de la fermeture habituelle, c’est l’annonce de l’orage qui vient qui provoque la fermeture anticipée.
Mon mari s’occupe du bain tandis que je prépare la quiche. Le petit est criblé de boutons de varicelle. Il n’a plus de fièvre et il n’en souffre plus. Mais tout de même, pauvre petit chou, malgré sa varicelle, il a fait sa semaine de crèche. Le repas, la lecture, le coucher… Je suis vannée.
Oui, je t’attends pour jouer, Lilie et pour tu me racontes de vive voix ton périple. Je pense que ce serait bien aussi de développer le point de vue du genou de M. Lilie par rapport au chemin.
Ne t’inquiète pas Lilie, nous avons eu l’orage aujourd’hui, mais il fait chaud et lourd.
Hier soir, encore une nouvelle expérience. Nos hôtes préparent un panier repas que nous dégustons sur la terrasse construite en bois autour du tronc d’un châtaigner. Pâté maison, houmous de châtaigne, aperitif maison. Puis tortilla, salade de pâtes, pelardon, vin rouge et fromage blanc aux fraises. Ce matin au petit déjeuner, nous évoquons nôtre venue il y a 24 ans dans ce village. Il se trouve que notre hôte faisait faire des tours de 4×4 aux vacanciers à l’époque et que M Lilie avait participé à une de ses sorties. Voilà comment il nous arrive de remonter le temps. Devant la maison, un immense tilleul en fleurs bourdonne d’abeilles. L’âcne et le poney de la maison viennent saluer l’âne qui a passé la nuit avec eux et qui repart ce matin avec les marcheurs. C’est attendrissant de les voir. Il est temps pour nous aussi de repartir, car aujourd’hui l’étape sera longue. Montée le matin, descente l’après-midi. J’espère que ça ira. C’est notre dernière étape. Je ne sais pas gérer les fins. Fin d’étape, fin de carrière. Lorsque l’échéance approche, je n’arrive plus à avancer. Les kilomètres me pèsent, comme les mois qu’il me reste à faire. Je suis déjà passée à autre chose, donc difficile de continuer. Pourtant le chemin est beau encore ce matin. Nous montons à travers une forêt de châtaigners, certains en fleurs. La vue sur les montagnes en face et au loin à l’arrière le village que l’on vient de quitter. La végétation change encore. Voici les chênes verts, les pins, le thym et même de la menthe sauvage. Le sentier sent la Provence, les aiguilles de pins sèches, le sol pierreux. Puis le chemin descend en pente douce en serpentant jusqu’à Saint Etienne Vallée Française. Nous nous arrêtons pour déjeuner d’une belle salade composée. C’est notre dernière étape, pas de pique nique aujourd’hui. A la sortie du village, la route est bordée d’une haie de tilleuls immenses et tous en fleurs. Ils sentent bons, j’adore l’odeur des fleurs de tilleul, et là encore un bourdonnement dans les feuilles. Des milliers d’abeilles doivent butiner au dessus de nos têtes et se régaler de ce nectar. Le chemin traverse la rivière (le Gardon) et gravit une colline. Il fait très très chaud. C’est notre dernière montée (que l’on croit), mais quelle montée. Avec la chaleur, nous devons nous arrêter souvent pour boire et nos réserves ne sont pas bien grandes. Heureusement plus on monte, plus la vue est fantastique. Au bout de 2h, on arrive enfin au col. On fait une grande pause. On sait que l’on va devoir descendre alors on se prépare. Il reste 7km, on en a déjà fait 14. On est monté de 400m, il faut les descendre. Peu après le départ, le chemin qui devait descendre vers la droite, part en montant à gauche. Depuis le début du chemin nous suivons les marquages du GR, confirmés par la trace GPS que j’ai téléchargée. Là, les deux divergent. On décide de suivre le marquage du GR. Le chemin monte, puis part sur une crête en un sentier caillouteux, descend enfin pour remonter de plus belle et à pic. Il s’éloigne de notre destination finale. Le genou de M Lilie commence à souffrir de ces descentes escarpées, caillouteuses, très pentues. Chaque montée nous désespère, tout ce qui a été descendu n’a servi à rien. Au bout de 2 heures, il devient quasi impossible de continuer cette descente. Nous sommes encore très loin et très haut, il est plus de 16h30, je commence à m’inquiéter sérieusement. Je répère un sentier qui redescend vers la route en 2 ou 3 virages. Je veux aller sur la route, car si M Lilie ne peut plus avancer, on pourra toujours faire du stop. Enfin après encore beaucoup de douleurs, nous arrivons sur la route. Je suis rassurée. La route descend en pente douce, aussi la douleur au genou disparaît. Nous continuons cette route, qui n’en finit pas de tourner, virer, longues lignes droites. La fatigue se fait sentir. Nous manquons d’eau aussi. Quel dommage de finir ce beau chemin sur une route…Nous avançons maintenant au moral, notre corps n’en peut plus de cette route. Près de l’arrivée nous croisons d’autres randonneurs, certains ont pris la route dès le haut du col, d’autres ont fait le même chemin que nous et ont continué, ils sont tous épuisés. Stevenson était descendu du col et avait suivi le gardon pour arriver à Saint Jean du gard. Il n’est passé par aucun des chemins que nous avons pris les uns ou les autres. Sauf que l’an dernier le gardon est entré en cru et a emporté toutes les berges dans sa furie. Un nouveau tracé a été mis en place, on va dire un peu à l’arrache, avec encore plus de km, oubliant que l’étape est déjà longue et qu’elle en devient carrément penible. Pendant ce temps, on continue de marcher. Encore 1km500 jusqu’à la ville, on n’en voit pas le bout. On a mal partout, on est épuisés. Enfin le panneau de la ville. On se prend en photo. Trop heureux de l’avoir fait. On y est arrivé. Après ce petit moment d’euphorie, il reste à traverser toute la ville pour rejoindre notre auberge. Re 1km500, re douleurs, re fatigue, re j’en peux plus. C’est certain, cette fois ci nous avons dépassé notre limite. Enfin, l’auberge est là. Une douche, un bon repas. Rien que descendre l’escalier et le remonter nous fait souffrir. Repos. Une nuit là dessus et on verra demain. Une chose certaine, demain on prend le bus ! Dommage de finir ce chemin comme ça, mais d’un autre côté, ce sera sans regret. La fatigue nous a gagné après ces 15 jours, il est temps de rentrer. Mon rêve du chemin est réalisé. J’aurais aimé que tu sois avec nous Graine ce soir, et tu y étais par la pensée.
La voix de Graine
Ce matin, réveil à 6 h. Impossible de rester au lit. Je prends la douche, j’aère l’appartement, je mets mon linge à la machine et j’attends patiemment que mon mari se réveille. Tant que mes nuits restent trés aléatoires, nous faisons chambre à part pour qu’il y en ait au moins un qui dorme correctement. J’ai encore droit à mon déjeuner au lit tous les matins. J’en profite, ça ne durera pas.
Te voilà arrivée à bon port, Lilie, fatiguée, épuisée. Tu as réalisé ton rêve. Tu me fais partager ta fatigue et ta joie, de loin. Chapeau, vous avez su gérer votre chemin. Le genou de M. Lilie a crié, mais il a tenu bon. J’ai un pincement au coeur, j’aurais dû en être. Même si je suis contente pour vous, je suis un peu vénère de ne pas être avec vous. Ce chemin, nous aurions dû le faire ensemble. Que s’est-il passé? Pourquoi? Que faut’il comprendre de ces empêchements…
Tes dernières photos sont magnifiques, Lilie, ça fait envie.
Ce matin, ma sortie est pour aller à la pharmacie place de la Nation car j’ai des achats à effectuer. Au retour, je fais une pause dans la cour pour faire mes exercices.
Ce midi, je pars manger au restaurant avec une copine, qui n’est pas une graine cette fois-ci. C’est ma première sortie resto. Je prends plaisir à manger dehors. Mais quand on sort pour déjeuner, il faut rentrer. C’est une grosse balade pour moi. Avec la sortie de ce matin sur Nation, mon podomètre me dit que j’ai fait plus de 4 km, ce que je ne crois pas. Cependant, au retour, je suis fatiguée. A proximité de l’immeuble, nous cueillons quelques gouttes de pluie. Il était temps de rentrer.
Après café & dessert « at home », nous regardons des albums photos, puis nous jouons au boggle. L’après-midi passe vite. Je raccompagne ma copine à la porte de l’immeuble. Mon mari est rentré. Ce soir, au menu, c’est pizza.
Ces prochains jours, Je vais aller m’acheter des jeux et j’inviterais les graines à venir jouer…
On a passé une très bonne soirée hier. Nous avions privatisé une heure de jaccuzzi. Ne le sachant pas, 3 jeunes femmes, en randonnée sans mari et sans enfants, viennent se joindre à nous. On discute, on rigole, on prend même tous ensemble un aperol spritz dans le jaccuzzi. Nous nous retrouvons ensuite au repas du soir qui est servi sur une grande table commune. Il y a plus de 20 personnes à table. Marcheurs, promeneurs à la journée, touristes et même un jeune en déplacement de travail qui préfère cette formule à l’hôtel pour voir du monde. Ne seraient-ce les mouches inombrables qui se posent partout sur la table, tout serait parfait. Le gite « village » est tenu depuis l’an dernier par un couple de jeunes très sympathiques; lui vient de Paris 11 ème, elle est italienne. Le repas qu’il nous a préparé est un pur délice. Salade composée avec mache, quinoa, feta, herbes de provence, puis une pièce de boeuf de l’aubrac issu d’un élevage voisin avec une sauce bourguignon et enfin un fromage blanc coulis de myrtille et pistaches concassées. Ensuite nous rejoignons notre roulotte pour dormir. Hie hay ! L’étape du jour va être longue, et elle finit par une descente à pic. Que nous connaissons bien pour l’avoir faite en 1998 pendant des vacances passées à Saint Germain de Calberte. Le chemin démarre sur l’ancienne voie de chemin de fer, réhabilitée en chemin. Stevenson ne parle pas de cette voie ferrée, donc si elle n’existait pas en 1878 et n’existe plus maintenant depuis des années (le sol n’en garde aucune trace) elle n’a pas dû servir longtemps… La voie domine le cours de la Mimente, passe sur des ponts sans garde fou (pas besoin dans le train !) et trois tunnels pour traverser les collines. On arrive comme ça au village (hameau ?) de Cassagnas où l’ancienne gare est reconvertie en gite, bar, restaurant. Nous faisons une pause, sur ce chemin on n’attend pas le bar suivant sous peine de ne plus en trouver de la journée ! Puis le chemin commence à monter dans une forêt de sapins, puis de châtaigniers. Nous trouvons un bel endroit pour pique niquer avec vue sur les collines en face. Notre cuisinier nous a préparé une salade de pâtes divine avec thon, artichaut, feta, basilic. C’est délicieux. Nous sommes vraiment maintenant au cœur des cevennes du sud. Celles que je connais depuis toujours. J’y retrouve les odeurs d’épines de pin sèches, les sols secs et caillouteux, les roches de schistes sur les bords. Le chemin est long, très long. Je fatigue vite, on s’arrête souvent. Qui veut aller loin…. Le paysage est grandiose, les monts des cevennes rocheux et les forêts de châtaigners, je prends des photos un peu partout. Enfin, après plusieurs heures, on atteint le serre de la can. En 1998, nous étions venus en famille dans ce village de vacances avec nos enfants. C’est ici que nous avions vu cette finale de coupe du monde gagnée pour la première fois par la France. Nous nous arrêtons boire un verre et remplir nos yeux de souvenirs. La piscine, les gites sont toujours là, en face des nouveaux bâtiments, le bar a été refait. On compare avec nos souvenirs. L’hôte de notre gite va venir nous récupérer ici car ce soir nous dormons dans une nouvelle roulotte assez loin du chemin. Ça tombe bien, cela va nous éviter une grande descente et protéger les genoux de M Lilie avant la dernière étape demain.
La voix de Graine
Mon paysage ici est moins diversifié, moins dépaysant et moins poétique que le tien. Mais il fait soleil sans qu’il fasse trop chaud et ça fait du bien. Je n’ai jamais dormi dans une roulotte. Je crois que j’aimerais bien ça. Tout compte fait, ce gîte était bien sympa à ce que je vois!
Ce matin, je traîne, je finis mon livre en cours « Le jeu des si » d’Isabelle Carré. Pas irrésistible, mais intéressant. Qui n’a pas rêvé de s’échapper de sa vie pour en vivre une autre?
Ici, les jours se ressemblent. Il fait beau aujourd’hui. Aussi, pour ma sortie du matin, au lieu de faire mes deux tours de cour, je m’aventure jusqu’au square. J’en fais le tour. A l’entrée, une séance de gymnastique. Tic, tac, tac disent mes béquilles, ce n’est pas encore pour toi aujourd’hui. Plus loin, un merle se baigne dans une flaque d’eau toute neuve laissée par l’arrosage. Il s’ébroue et prend plaisir. Au fond, les jardiniers refont le parterre. Ils vont planter des fleurs. Le square est quasiment vide. Je fais mes exercices tranquillement et je me dirige vers la sortie. Le cours de gym n’est pas fini. Ils en sont aux abdos. à présent.
La matinée passe vite, à exécuter différentes tâches administratives déjà oubliées, à répondre aux mails. C’est déjà l’heure de l’infirmier, puis l’heure de préparer le repas. Je fonce à la boulangerie. J’ai une copine de mon association jacquaire qui passe me voir à 14 h.
L’après-midi passe aussi vite. Entre la visite de la copine, le repérage d’un petit bistrot pour la copine qui vient demain, les réponses au téléphone, la téléconsultation médicale, le kiné…je n’ai toujours pas commencé mon collage. La table du salon est tout encombrée de mes papiers.
Ce soir mon mari va rentrer plus tard. Il fait une présentation à son association de minéralogie. Vais-je avoir le courage de commencer mon collage?
Nous prenons notre temps ce matin car nous avons une étape courte aujourd’hui. Cette semaine est particulièrement prisée par les vacanciers aussi, impossible de trouver un gite plus loin. De toute façon, c’est mieux pour tester la reprise. Le chemin démarre par la route, traverse le tarnon et longe la mimente par le haut. Nous traversons une forêt de chênes blancs et de châtaigners. Enfin il devient sentier et serpente dans la forêt, croisant quelques ruisseaux qui descendent vers la mimente. Le profil de la marche d’aujourd’hui est essentiellement en montée, pour autant on ne peut éviter quelques descentes. En général assez courtes et légères, il n’empêche que je stresse chaque fois. Est-ce que le genou de M Lilie va tenir ? Je ne dis rien, et pour l’instant lui non plus. Le sol est jonché de feuilles de châtaigners et de bogues des châtaignes de l’automne dernier. On commence aussi à voir des fougères, il n’y en avait pas jusqu’ici. Des deux côtés du chemin, la pente est ardue. Descente à pic à gauche, montée à droite. Je comprends ce que veux dire Stevenson qui cherchait en vain un terrain plat pour dormir et éviter de tomber dans le ruisseau pendant la nuit. Même pour trouver un endroit pour s’arrêter déjeuner s’avère compliqué. Enfin on aperçoit un petit promontoire sur le bord du chemin qui nous servira de chaise et de table. L’endroit est très joli, très escarpé et bien ombragé. On y reste un grand moment pour se reposer de la marche du matin. Après le repas, il reste seulement 2km à parcourir jusqu’au gite, le chemin descend bien maintenant. J’angoisse un peu, tout va bien. Pour accéder au gite, nous prenons un chemin qui grimpe très abrupt. J’imagine déjà la redescente demain… Nous arrivons dans un magnifique endroit. Le rêve des Graines. Un quartier de village avec une maison qui fait office de salle à manger commune, cuisine, réception, une autre pour la buanderie, d’autres pour les chambres, un grand jardin ombragé par un tilleul centenaire avec un pied ressemblant à uns pate d’éléphant, des salons de jardins au soleil, et au bout une piscine. Voilà notre village. Juste un peu loin de tout pour faire les courses ! Nous dormons dans une roulotte à l’entrée du domaine. Impression de la conquête du farwest ! Il ne me manque que les bottes et le Stetson, trop lourds dans le sac ! Je passe l’après-midi au bord de la piscine et dans un fauteuil autour d’un verre pour écrire cet article.
Tout s’est bien passé aujourd’hui, je croise les doigts pour demain et après demain, les 2 dernières étapes, longues et avec du dénivelé négatif.
Je vois que de ton côté la randonnée commence à s’allonger aussi, j’espère quand même que tu n’as fait 4km8 avec tes béquilles. Bientôt nous repartirons ensemble. Bientôt, pas tout de suite !
La voix de Graine
Je suis contente, Lilie, que ta journée se soit bien passée. Je te devine soulagée et M. Lilie soulagé aussi. Ceci dit, il va falloir rester prudent dans les étapes qui vous restent. De fait, ces deux jours de repos ont été bénéfiques.
Pour moi, aussi, la journée a plutôt été bonne. Ma première sortie dans la cour, je l’ai faite avec une seule béquille. Je m’en suis aperçue en bas de l’ascenseur. Même si le kiné ne me conseille pas de marcher avec une seule béquille, j’ai fait avec, je n’ai pas eu le courage de remonter.
Plus tard, dans la matinée, j’ai failli poser un lapin à l’infirmier. Je partais faire des courses complémentaires pour le déjeuner. Au dernier moment, je me suis resaisie. Et j’ai attendu le passage de l’infirmier.
C’est mercredi aujourd’hui, tu te souviens Lilie, le jour des enfants. Le pli est pris à nouveau. Ma petite fille vient manger à la maison. Je ne vais tout de même pas la chercher à l’école, c’est son papa qui me l’amène. Mais pour les courses et la cuisine, c’est moi, avec le support de mon mari qui télétravaille! Rassure-toi, Lilie, je fais simple: Steak avec de la purée de pommes de terres et de carottes, du pamplemousse – découpé en lamelles en entrée et une glace en dessert.
Après une bonne pause post déjeuner, je vais m’acheter des revues. J’ai l’intention de faire un collage. Je passe aussi chercher le pain et des surgelés.
Et de retour à la la maison, je feuillette, je choisis, je peins mon fond. Ce soir, je laisse mon mari faire la cuisine. Demain, je commencerais mon collage.
Rien ne presse aujourd’hui, c’est repos. Pour autant, ne pas dépérir, un petit café croissant sera bienvenu ! C’est mardi les boutiques et cafés fermés hier sont ouverts. Je suis sidérée de voir que cette ville, 4 fois moins peuplée que la notre ait autant de boutiques, restaurants. Chez nous il n’y a rien… Bref. Après le café et un petit tour dans la ville, retour à la chambre. En fin de matinée, aller acheter de quoi manger. Pourtant la matinée se passe. Le temps s’écoule, rien à faire pour l’arrêter. Nous déjeunons autour d’une table devant la piscine. Cet après-midi, j’ai décidé de partir faire une petite randonnée de 10km au départ de Florac. Un GR qui monte en face rejoint le chemin de Stevenson sur la fin de l’étape de Florac. Je pars vers 13h30. Je n’ai pas l’habitude de marcher seule. Je suis un peu déboussolée, j’ai du mal à caler mon pas. Dès la sortie de la ville, le chemin monte face à la pente dans une forêt de chênes et de châtaigners. En haut, la vue sur Florac est magnifique. Le chemin continue légèrement à monter puis passe sur l’autre versant. En face des collines boisée à perte de vue. Je croise quelques randonneurs qui descendent directement à Florac. Le chemin continue un moment à plat et iI me faut plus d’ une heure trente pour arriver à l’intersection du chemin de Stevenson. Je commence à me dire que je vais mettre un peu plus de temps que prévu… Le chemin redescend pendant plus d’une heure dans une forêt de sapins, sans vue particulière sur les côtés. A un croisement, un panneau indique Florac à 7km, j’en ai déjà fait 6, effectivement je risque de mettre plus de temps que prévu, et plus de km! C’est un peu monotone jusqu’à la fin de la descente où soudainement le chemin débouche en haut des gorges du Tarn. Au fond, le Tarn fait des cascades, des sauts. C’est magnifique. Je m’arrête un moment pour admirer et me reposer un peu les jambes. Le chemin suit le Tarn jusqu’au village de Bedoues dominé par une magnifique église offerte par le pape Urbain V qui était natif d’un village voisin. Un très vieux quartier avec des ruelles très étroites se visite aussi, mais il fait un peu coupe gorge ! Au moment de m’y engager, j’aperçois une personne qui se îéculotte au milieu de la ruelle et y fait tranquillement pipi… Comme je suis seule, je vais éviter ! Je préfère monter vers la belle église du pape qui domine le village pour faire ma pause. Il est presque 17h et il me reste pas mal de chemin à faire. Je m’inquiète un peu, même si je sais qu’il fait jour tard, je ne maîtrise pas vraiment le kilométrage qu’il me reste. Je repars sur une petite route qui traverse le Tarn sur un pont de type Eiffel. La route est assez étroite, il y a quelques voitures qui passent. Je suis soulagée quand je reprends un chemin de terre qui remonte dans une forêt de châtaigners. En dessous le Tarn suit son cours, en face un château sur la colline. C’est un bel endroit pour terminer cette balade. Le chemin débouche sur un quartier en train de s’agrandir, beaucoup de maisons en construction. Un village de vacances est installé là, je le longe jusqu’à un pont de pierre où je refranchis le Tarn pour la dernière fois. Florac est traversée par le Tarnon, pas par le Tarn. Je longe la route pendant un km avant d’arriver enfin à Florac et rejoindre l’hôtel. Il est 18h, j’ai fait 15km. Une étape.
La voix de Graine
Je suis fière de toi Lilie. 15 km en 4 h 30, avec les dénivelés et les pauses! Tu marches bien.
En fin d’après-midi, j’ai moi aussi fait une randonnée ambitieuse, pour aller acheter de la viande dans mon magasin préféré. Mon podomètre m’a crédité de 4,80 km aujourd’hui . Le paramétrage est sans aucun doute à revoir, mais je crains qu’il n’y ait pas l’option handicapé avec béquilles. En tout cas, même si j’ai marché beaucoup moins, c’était beaucoup pour moi, ça c’est sûr. Et moi aussi, je me suis aventurée toute seule, comme une grande!
En dehors de cette ambitieuse escapade, ma journée a ressemblé aux précédentes. Ce matin, réveil à 5h 45 pour être réveillée et prête au passage de l’infirmière pour la prise de sang. L’infirmière passe vers 6 h 45. J’ai pris ma douche, pris mon petit-déjeuné, aéré la maison. Je n’ai pas assez dormi, mais je n’ai pas envie de retourner me coucher. Mon mari part travailler, je pars faire ma promenade dans la cour, puis je me dirige vers la Poste où je fais chou blanc, elle n’est pas encore ouverte. Pour mon recommandé, je vais devoir revenir.
Travailler sur le site de mon association, préparer le repas pour midi, accueillir l’infirmière pour la piqûre, manger, prendre la café…Une routine qui s’installe.
L’aide-ménagère arrive à 14h. Je m’étends sur le canapé. Je lis sans conviction. Je l’aide à nettoyer le frigo.
Quand elle s’en va un peu avant 16 h 30, je me décide à sortir. Dehors il fait soleil et chaud, j’enlève mon pull, et mets mes lunettes de soleil. Avec mon sac à dos et ma pochette, je suis parée, prête à l’aventure.
Ce soir, mon mari rentre tard. C’est moi qui prépare sommairement le repas. Et je range mes papiers.
Demain, promis, je me remets au dessin. Si je n’y arrive pas, je ferais un collage. Demain midi, la petite sera là avec son Papa. Et peut-être nous aurons le petit le soir.
M Lilie va mieux ce matin, c’est rassurant. Cette nuit, nous avons dormi dans une chambre, salle de bain, des années 60. Le mobilier est quasi identique à celui de la chambre de mes parents quand j’étais petite. Les couvre lits ressemblent aux rideaux que nous avions aux fenêtres chez nous il y a 20 ans. L’hôtel tout entier est resté figé dans les années 60. Carrelages chinés au sol, lambris au plafond. Un beau retour en arrière. L’hôtelier, lui aussi certainement issu des années 60, nous propose d’appeler un taxi vers 10h. En attendant, nous faisons un tour dans Pont de Montvert, joli village avec 2 ponts qui enjambent le tarn (ses sources ne sont qu’à quelques kilomètres d’ici) et ses 2 affluents. Le village est joli, accroché sur les flancs d’un vallons, le tarn cascade en dessous et les causses le surplombent. Le tour est vite fait, un temple, une église, 2 ponts. Nous prenons un café au soleil en attendant l’heure. A peine appelé, le taxi arrive car il a peu de temps, il doit être à Ales pour 13h. C’est son avant dernier jour de travail, il arrête mercredi. Il commence à en avoir marre d’être interrompu dans sa partie de pétanque pour faire une course. Il a 79 ans ! Une chance pour nous car après il n’y aura pas de repreneur. Il nous conduit à Florac en nous racontant des anecdotes. Il a du travail car il n’y a plus de bus depuis au moins 30 ans. Il amène des randonneurs fatigués ou blessés quasi tous les jours. Arrivés à Florac, nous laissons nos sacs à l’hôtel car il est trop tôt pour prendre la chambre. La ville est un peu plus grande que les villages que l’on a traversés jusqu’ici. Elle abrite dans son chateau le siège du parc national des cévennes, un petit musée dédié au parc est installé dans l’ancienne gare. Il n’y a plus de train depuis longtemps… Nous partons acheter de quoi pique niquer aux sources du pêcher qui se trouvent juste au bord de la ville. L’endroit est très joli, équipé de quelques bancs et ombragé. La source cascade joliment au dessous du banc sur lequel nous déjeunons. La ville de Florac est parcourue par le tarn et le pecher qui s’y croisent. Plusieurs ponts de pierre permettent de les traverser. Au centre, une esplanade ombragée offre quelques tables pour déjeuner ou prendre un café. Ce que nous faisons. En début d’après-midi, nous allons nous reposer au bord de la piscine de l’hôtel. Elle n’est pas chauffée, l’eau est glaciale. Un homme s’y baigne, d’autres comme nous ne mettent que les jambes. M Lilie trempe ses jambes pour raffraichir son genou. Le froid lui fait du bien. J’en profite pour vous rappeler les 2 Graines et passer un grand moment à discuter avec vous, à l’ombre des arbres dans le grand parc de l’hôtel. Le grand hôtel du parc, c’est son nom ! Vers 15h, nous nous installons pour un moment de repos dans notre chambre.
Sans même rien faire le temps passe. Entre la piscine, la chambre, la chambre, la piscine, il est déjà l’heure de sortir prendre un verre et enfin manger la pizza dont on rêve depuis 10 jours !
La voix de Graine
Je te retrouve Lilie. Ton ton est redevenu serein. Tu es rassurée. Je comprends que le blocage du M. Lilie t’aie fait peur. C’est normal. Ce serait trop bête de compromettre la mobilité à venir juste parce qu’on a voulu forcer un peu trop un jour.
Quand nous avons passé une semaine à Bagnols les bains en 2019, en dessous du Mont Lozère, nous avions randonné jusqu’au Mont Finiels, c’était fin octobre, il faisait un froid glacial. Nous aussi, nous nous étions mis à l’abri des murets de pierre. Ce même jour, nous étions descendus en voiture au Pont de Montvert. Un autre jour, nous avions également fait une randonnée bien agréable en suivant les sources du Tarn.
Aujourd’hui ma journée commence à 9 h avec un cours d’espagnol. En raison de mon accident, cela fait un mois que je n’ai pas eu cours d’espagnol. J’ai révisé mais très vite, je me rends compte que je n’ai pas révisé ce qu’il fallait. J’ai un cours de retard! Tant pis, on va faire comme si!
A 10 h 30, j’ai une téléconsultation avec mon médecin traitant qui me recommande de garder les bas de contention la nuit.
Puis c’est le passage de l’infirmière, et l’arrivée de Graine…
Ce midi, nous mangeons thaï, commandé au restaurant thaï d’à côté.
Après notre échange téléphonique, nous partons au square avec notre carnet de croquis. Notre temps de croquage est limité, j’ai rendez-vous chez le kiné à 17 h…
Après une bonne nuit (malgré la rave partie au dessous de nous !) et un bon petit déjeuner, nous voilà partis à l’assaut du Mont Lozère, l’étape la plus difficile du parcours avec beaucoup de dénivelé. 10km de montée, 10km de descente voilà le résumé que l’on partage entre marcheurs. Le chemin démarre par la visite du village. On monte vers l’église puis on la dépasse et la grande montée démarre. Le chemin est large, il s’élève rapidement dans une forêt de sapins. Il faut franchir le col d’une première colline avant d’arriver sur le Mont Finiels lui même. Je regarde 3 jeunes femmes qui font le chemin ensemble. Comme nous elles s’appellent « les filles », comme nous elles papotent sans cesse en marchant. Elles montent sans effort apparent, bien plus vite que moi. Ce pourrait être nous toutes dans notre jeunesse. Je nous imagine à 25 ans. Je rêvasse sur ce temps qui a passé si vite. Sur mon corps qui montre sa fatigue et m’empêche de marcher aussi vite qu’elles. Je pense trop, ça a toujours été mon problème, et j’anticipe, j’imagine au lieu de vivre le présent. Dans une heure on sera là, dans un an j’arrête de travailler. Je voudrais arrêter de réfléchir et vivre l’instant. Mais je suis tombée dans la marmite toute petite alors… Avec tout ça, on grimpe, grimpe, grimpe. Je prends mon temps, je ne suis même pas fatiguée. On arrive en haut du col après 2h de montée. La vue alors se dégage sur le Mont Lozère devant nous. Depuis 3 jours nous croisons les mêmes personnes au fil de nos arrêts, on se double, redouble, on se retrouve dans un restaurant un gîte ou un hôtel, un petit mot chaque fois. Le chemin descend légèrement vers la station du Mont Lozère. Les cafés restaurants sont ouverts, c’est dimanche, on peut y monter aussi en voiture alors il y a de la clientèle possible. Nous nous arrêtons un moment au soleil devant un café. Puis nous reprenons la montée. Petit à petit la végétation se raréfie, on sent l’altitude. Plus que quelques sapins rabougris, quelques rares fleurs minuscules. On suit, comme Stevenson avant nous, les montjoies qui bornent le chemin. Derrière nous au loin, très loin, on aperçoit les éoliennes que nous avons longées il y a 3 jours. Elles sont si loin. C’est là que l’on voit combien on a avancé alors qu’on a l’impression à pied de faire si peu. Il fait de plus en plus froid. Le vent s’engouffre dans les vêtements et nous glace les sangs. On se rhabille, coupe vent, foulard, bonnet. Je ne regrette pas d’avoir mis un pantalon ce matin. Enfin après encore 2h de montée, on arrive près du sommet. Il n’y a plus aucune végétation à l’exception d’herbe rase et de quelques bruyères. Le vent est si fort et si froid que l’on a du mal à profiter de la vue. On s’abrite à l’intérieur d’un muret de pierres construit en cercle pour protéger du vent. On s’y arrête pour déjeuner au soleil et à l’abri, assis sur les pierres. On a une vue à 360 degrés depuis le sommet. Derrière nous le Gevaudan, Le Puy en Velay et les jours précédents, devant nous les Cevennes du sud, Montpellier, Sète et les jours suivants ! On ne reste pas très longtemps à admirer la vue à cause du froid et du vent. Il est temps de redescendre. Le chemin part directement dans la pente. Très vite le vent disparaît et la chaleur revient. Très vite la végétation réapparaît. La descente nous offre de magnifiques passages en balcon avec la vue sur les collines et toute la vallée en bas. Le chemin devient plus étroit, plus caillouteux, il faut se concentrer pour ne pas trébucher sur une pierre. Quelques passages à plat, et ça redescend. On fait quelques pauses pour reposer le genou de M Lilie au maximum, mais je vois bien qu’on a beaucoup descendu. On arrive en vue d’un village, je suis fatiguée, on va faire une pause. Nous n’avons fait que la moitié de la descente. Il reste 5km et 400m de dénivelé. M Lilie ne va pas bien. Après la pause, impossible de repartir. L’étape s’arrête là, après 15km sur les 20 que nous voulions faire. Pas question d’aller plus loin.
Il n’y a rien ni personne dans ce village. On décide de monter vers la grande route que l’on a aperçue en haut du village. On va faire du stop. En cherchant un endroit propice, on tombe sur une voiture arrêtée dont on connaît les occupants. 2 femmes qui marchent et que l’on a croisées ce midi dans notre mur de pierre, et le mari de l’une d’elles qui les ramène en voiture après leur marche. Elles étaient fatiguées et lui ont demandé de venir les chercher pile-poil au moment et à l’endroit où on a besoin d’une voiture ! Ils acceptent bien sûr, solidarité de marcheurs, de nous ramener à notre destination. La chance est quand même avec nous sur ce coup là.
On arrive donc à destination à Pont de Montvert en voiture ! M Lilie a réussi également à trouver un hôtel pour ce soir au lieu du dortoir commun prévu. Chambre au 3ème étage sans ascenseur, une dernière montée ! On échafaude les plans pour la suite. Sans voiture ici c’est très très compliqué. Pas de bus avant l’été, pas de location de voiture, encore moins si on ne veut pas la ramener où on l’a prise. Bref. M Lilie veut que je continue seule et qu’il me retrouve le soir. Nonobstant le fait que je ne sais pas avec quel moyen de locomotion il pourrait me suivre, je ne suis pas comme toi Graine, pas envie de cheminer seule. J’ai besoin de partager. Je décide d’annuler les étapes de demain et après demain qui descendent beaucoup pour aller directement (reste à savoir comment…) à Florac et se reposer 2 jours. Ensuite on avisera. Donc demain matin, on part à la recherche d’un moyen de transport !
La voix de Graine
C’est une journée de fête des Mères aujourd’hui, une journée famille. Ce sera famille réduite car ma fille et sa petite sont au Parc Astérix. Après avoir été refoulées vendredi pour cause de parc déjà plein, elles sont parties ce matin à 8 h 30 pour être sûres de rentrer. Elles font l’ouverture. Et une chance, il n’y a pas trop de monde.
Mon mari est à la cuisine. Moi, je me contente d’éplucher les radis.
A 13 h, mon fils est là avec sa femme, son petit garçon et un beau bouquet de pivoines. Un dimanche tranquille. Les anglais ont quitté le quartier. Nous entendons à la télévision les déboires des supporters anglais au stade de France. Un gigantesque fiasco. Il faudra serrer les boulons de manière plus efficace pour l’organisation des jeux olympiques. La répétition n’est peut-être pas inutile.
Les parents ont une course à faire au magasin d’à côté, nous emmenons le petit au square ou plutôt, c’est lui qui nous emmène. « Moi, je vais au square avec Mamie ». Et pas question d’enlever les lunettes de soleil parce que Papa a dit qu’il fallait les garder, même si le soleil joue les intermittents. Moi, en fait, je joue les spectateurs, je reste sur le banc à regarder les enfants jouer. Et c’est bien sûr mon mari qui s’occupe du petit.
En fin d’après-midi, j’emballe mes tableaux. C’est mon mari qui va les emmener demain pour l’accrochage de l’exposition.
A 21 h 30, toujours pas de nouvelles de toi, Lilie, toujours pas de blog. Je sais bien que tu redoutais l’étape d’aujourd’hui, Lilie. Je m’inquiète, je questionne. Et j’ai enfin des nouvelles.
Eh oui, le genou de M. Lilie a dit non. Assez. Que faire d’autre que de l’écouter! De toute manière, vous n’aviez pas le choix. Demain sera un autre jour. Vous trouverez des solutions, comme vous en avez trouvé aujourd’hui. Et ces deux jours de repos vont vous faire du bien.
Une fois n’est pas coutume, commençons par le menu d’hier soir. Je sais que tu l’attends avec impatience Graine ! Dans ce petit hôtel qui ne paye pas de mine, avec douche sur le palier, nous avons très très bien mangé. La serveuse nous a d’abord apporté une soupière entière d’une soupe légumes champignons délicieuse. J’en reprends 2 fois tellement elle est bonne. Puis 2 belles tranches de pâté de campagne, puis 2 entrecôtes chacun ! Avec du riz et des légumes en ratatouille. Un morceau de fromage et un dessert à base de baies rouges, boule de glace et meringue. Comment dire ? Quel repas du soir ! Et pourtant je me sens légère pour dormir. Comme quoi, marcher absorbe toute l’énergie. Ce matin, après un bon petit déjeuner et un arrêt à l’épicerie du coin, nous voilà repartis. L’étape va bien monter et surtout bien descendre, ce sera un test pour celle de demain qui est la plus difficile. Au premier virage dans le village, un âne bloque. Il ne veut pas franchir la grille pour les eaux de pluie par terre. Je n’ose pas leur dire qu’il y en 3 coup sur coup dans le village ! La journée commence à peine pour eux, ça va être compliqué ! Il fait beau mais il y a encore beaucoup de vent avec des rafales glaciales. Je suis bien couverte, polaire et coupe vent pourtant quelques fois c’est juste. Le chemin commence par descendre vers le village voisin où se trouve un très beau viaduc qui l’enjambe et enjambe en même temps le Chassezac. Cette petite rivière me rappelle des souvenirs de vacances avec mes enfants, pas si loin d’ici en Ardèche où nous nous baignions dans le chassezac. Ici il est naissant, là bas il concurrence l’Ardè-che elle même, et s’y jette il me semble bien. Puis le chemin monte sur la colline. Il y a beaucoup de monde aujourd’hui sur le chemin. Devant, derrière, nous ne sommes pas seuls. L’âne est derrière nous maintenant. Finalement il a rattrapé le temps perdu ! En voulant trouver un petit coin isolé, on imagine pourquoi, je bute sur une pierre au milieu du chemin et emportée par le sac, je chute lourdement. Je n’ose plus bouger. Un instant j’imagine si quelque-chose m’empêche de continuer. Plus de peur que de mal, je me relève, un verre de mes lunettes est rayé, quelques égratignures. C’est le métier qui rentre ! Si on sort du chemin, on regarde où on met les pieds ! C’est pénible en tout cas pour nous les filles de trouver un coin lorsqu’il y a du monde autour. Tu devais bien avoir ce problème Graine sur Compostelle. Le chemin continue de monter jusqu’au sommet de la colline, la pente est de plus en plus prononcée. Tout en haut, une grande portion de route avant de repartir dans la forêt. La redescente est difficile pour M Lilie, je me demande ce que ça va faire demain… Bah demain est un autre jour. Aujourd’hui il y a beaucoup de sous-bois, le vent s’y engouffre et nous glace les sangs. Dans les parties ensoleillées, on arrive à ressentir la douceur de l’air lorsque le vent se calme un peu. Au détour d’un virage, on passe devant les ruines d’un ancien château, enseveli dans la verdure. On s’arrête peu, car chaque fois on se refroidit. Même la pause repas est raccourcie. Tout proche du chemin on peut aller voir les sources du Lot. Nous faisons le détour en début d’après-midi pour s’y poser un grand moment. Les sources du lot, ce sont des résurgences dans un vallon ensoleillé et relativement à l’abri du vent. On y reste un bon moment assis au soleil. Beaucoup de randonneurs font le détour, certains s’arrêtent, d’autres repartent. Un homme est installé avec son âne. Il le brosse, le bichonne. Puis remet son bât et repart. Nous repartons aussi, le chemin longe le Lot, minuscule lit dans son vallon. Le paysage est magnifique. Nous sommes maintenant dans les Cévennes, je reconnais les chemins pierreux, secs de chez moi. A la sortie du vallon le paysage devient même aride. Nous arrivons dans un village, le premier depuis ce matin. Un habitant nous indique une fontaine pour remplir nos gourdes. Un petit garçon vient y laver quelques gobelets. Nous buvons l’eau de la fontaine, remplissons les gourdes et c’est reparti. 2 virages plus loin, un panneau buvette, on donne ce qu’on veut. Au virage suivant, installé sur un vieux mur de pierre, des enfants dont celui de la fontaine, offrent Sirop de menthe ou grenadine. C’est trop mignon. Ils font ça tout l’été. Beaucoup de randonneurs sont installés dans l’herbe derrière eux. Ils vont faire un bon argent de poche ! On prend menthe et grenadine, dans les gobelets qui viennent d’être rincés ! On donne ce qu’on veut et nous voilà répartis, il ne reste que 2km pour arriver au Bleymard. C’est la fête au village ici, sur 3 jours. Sur une place en contrebas de notre hotel, un ensemble de chapiteaux de bric et de broc. Les gens sont maquillés, déguisés et tous sortis dans la rue. C’est la première fois en 10 jours que l’on voit du monde ! L’habillement général est très « zadiste », dread locks sur la tête, pantalon et tee-shirt passés. On se demande qui est habillé le plus salement et le plus mal coiffé ! Voilà les cevenols. Nous sommes ici à la frontière entre Margeride et Cévennes. Dans le village, un spectacle de rue, un marché artisanal, des buvettes. Tous les habitants sont massés au bord de la route principale. Soudain un char improbable tiré par des habitants maquillés et déguisés à qui sera pire que l’autre arrive. Un « roi de la ville » s’agite dans le char. Une fanfare dépareillée et jouant délibérément faux le précède, tous les habitants les suivent jusqu’à l’église. On ne voit plus des choses comme ça chez nous. Le spectacle des Graines c’est différent !
mde
La voix de Graine
Ce matin, je me lève à 6 h. Ma nuit a été hachée, comme d’habitude, et ma jambe douloureuse, mais je me suis couchée tôt hier soir et j’ai assez dormi. J’en ai surtout marre d’être couchée. J’ai besoin de bouger.
J’écris, je révise mon espagnol, je réponds aux courriers de mon association jacquaire, je prends ma douche…en attendant que mon mari émerge. Il a peiné à s’endormir cette nuit. Et je retourne me coucher pour petit-déjeuner au lit!
Pendant que mon mari va faire les courses, je vais, toute seule, à la pharmacie, faire une petite recharge de médicaments et acheter de l’arnica. D’habitude, quand je me fais mal, je prends de l’arnica, et là, je n’y avais même pas pensé jusqu’à aujourdhui! Je n’en attends pas de miracle, mais je n’ai aucune raison de ne pas essayer. Mon échappée à la pharmacie remplace généreusement mes deux tours de cour du matin, mais pas la séance d’exercices à laquelle je m’attèle dès mon retour dans la cour.
Ma fille m’appelle sur le téléphone. Un voisin s’offusque « vous ne pouvez pas téléphoner ailleurs que dans la cour ». Sympas nos voisins, ils sont cools. Ma fille part visiter une maison cet après-midi. Le papa de la petite est cloué au lit par des coliques néphrétiques. Mais qui pourrait bien garder la petite? A 13 h 30, ma fille nous amène la petite et une heure après, nous récupérons le papa. Il sera mieux à la maison. Nous n’avons pas été longs à reprendre du service.
Entre deux phases actives, je ne peux pas tout de même laisser mon mari tout faire, je me repose sur le canapé avec mes deux poches de glace. Aujourd’hui, j’en mets une autour du mollet et une autour du genou.
Deux virées au square, le ménage dans ma messagerie, la journée est chargée et passe vite. J’ai moins mal qu’hier et j’apprécie.
Cours de Vincennes, une fan zone pour les supporters de Liverpool du match Liverpool/ Réal de Madrid de ce soir a été installée. Les supporters sont là depuis hier. Des anglais partout. Et aussi de la bière. Si je n’étais pas si handicapée, je serais allée voir. Il paraît que le cours de Vincennes est jalonné de pissotières et de tireuses à bière. On ne peut pas traverser le cours de Vincennes. Mon infirmier est un peu vénère, ça lui fait perdre un temps fou car il a des patients des 2 côtés de la rue.
En revenant du square en fin d’après-midi, je jouis du spectacle – dans le stade d’en face, jeunes supporters de Liverpool et petits français jouent au foot. Derrière les grilles, beaucoup de badauds comme moi. Ce n’est pas si souvent qu’on voit jouer les joueurs de Liverpool.
Merci Lilie, pour les menus. Généralement, quand on a marché toute la journée, on a bon appétit. Et ne t’inquiète pas, tu ne prendras pas un gramme.
Vous n’allez pas faire un tour à la fête ce soir? Soyez prudents demain… Gérez bien les pauses. Je vous fais confiance. Vous êtes aguerris à présent. Il ne fait jamais bien chaud sur ces causses, c’est plus réputé pour le froid et le vent que pour le soleil. Je vous souhaite tout de même quelques rayons de soleil bien chauds.
Nous prenons notre petit déjeuner avec le couple d’hier soir, les jeunes sont partis tôt. L’étape est courte aujourd’hui pour eux comme pour nous, pas la peine de se presser, d’ailleurs nous serons au même hôtel ce soir à Chasserades. Après être allés chercher notre repas de midi à l’épicerie, bar, qui fait tout, nous partons sur le chemin. Mon sac est plus léger car aujourd’hui nous ferons essentiellement de la montée, peu de descentes et peu de km. Il fait beau mais il y a beaucoup de vent, polaire et coupe vent suffisent à peine à me tenir au chaud. Le chemin grimpe sur la colline en pente raisonnable. Un peu partout, des branches et des sapins arrachés jonchent le sol. On imagine aisément le vent qui a dû souffler ici. En haut une belle vue sur les monts Lozère s’offre à nous. La végétation et le terrain sont maintenant ceux que je connais en Ardèche et en Provence. Sec, caillouteux, entouré de pins et de genêts. Il faut dire que nous sommes au même niveau que Montelimar. Arrivés en haut, nous longeons le plateau. A nos côtés un parc d’éoliennes. L’endroit n’est pas choisi au hasard. Elles font un bruit ressemblant à un avion au loin et rythmé par le vent qui souffle dans leurs pâles. C’est impressionnant. La redescente est moins longue et peu pentue. Nous arrivons au bord de l’Allier où nous nous arrêtons pour déjeuner et nous reposer au soleil un grand moment. Il ne reste plus beaucoup de km avant notre arrivée. Le chemin reste proche de la route, il est entouré de genêts, c’est magnifique mais comme toujours ici, sans odeurs… Nous arrivons vers 15h dans un petit hôtel. Le même rituel d’arrivée, une douche, un brin de lessive et aller boire un coup au soleil. Il y a moins de vent ici, la température est plus douce. Après ce petit rituel, nous partons visiter le hameau. Curieusement il y a beaucoup de voitures garées, mais personne dans les rues et aucune boutique si ce n’est une petite épicerie. Le hameau est minuscule, avec une église du 12ème siècle, un lavoir plus ou moins en état, un gite qui fait bar. Nous croisons un randonneur avec son âne qui nous raconte ses déboires du jour. L’âne s’est bloqué devant une croix en pierre et rien à faire pour le faire avancer. Il a même mis ses vêtements sur la croix pour la cacher. Impossible. Il a dû faire un détour de 4 h. Peu après l’âne est allé brouter sous une croix identique….
Nous sommes à mi parcours du chemin, toi tu as franchi une étape importante sur ton chemin en enlevant tes agrafes. La douleur petit à petit s’atténue pour que tu oublies tes anti douleurs, c’est bon signe. Tu es bien entourée et tu fais beaucoup de choses dans ta journée, c’est important pour le moral. Le temps joue pour toi. Chaque jour une étape, comme nous.
La voix de Graine
Je me régale à te lire, Lilie. Ça me fait du bien de vous suivre dans votre aventure. Et si les genêts ne sentent rien, alors, où on va. Moi, quand je vois la photo, je les sens, c’est le pouvoir de l’imagination.
L’âne, ce devait être un âne protestant, un camisard, sans doute. Le randonneur aurait dû lui chanter des psaumes!
Ces étapes courtes vous font du bien et vont vous permettre d’aller jusqu’au bout. Je vois qu’il ne fait pas chaud! Le matin sur Paris, il ne fait pas chaud non plus, mais pas aussi froid que sur les contreforts du Mont-Lozère. C’est réputé pour être une région. Vous êtes en altitude, et il y a du vent, un vent qui a l’air d’être glacial.
Ici, l’après midi, vers 15 h, ça se réchauffe. Une graine est venue me voir. Nous nous sommes posées au square et nous avons dégusté les cerises de son jardin. De retour à l’appartement, nous avons pris le goûter: cidre, cannelés, abricots. Les graines sont toutes à leur spectacle de danse à venir. C’est du non stop, les répétitions s’enchaînent. Leur spectacle est dimanche et je n’y serais pas, ni toi non plus, nous sommes à donf dans notre cheminement, chacun le sien.
Je passe beaucoup de temps sur le canapé avec mes poches de glace, deux, une pour le genou et le mollet qui sont douloureux, un pour la cuisse. Le temps passe lentement.
Hier soir quel retour en enfance. En colonie et à la cantine plus précisément ! Le repas en tables de huit avec la dame qui sert avec son chariot. On retrouve le réflexe de débarrasser en bout de table. La chambre avec ses 2 petits lits et ses armoires en ferraille, les douches communes. La veilleuse de nuit pour nous permettre d’aller jusqu’aux toilettes la nuit. Nuit sans chauffage, enroulés dans le drap de sac, un duvet et une petite couverture en laine ! Et ce matin, le petit déjeuner dans les bols en verre, servez vous sur le chariot, on n’est pas à l’hôtel ici, je ne sers pas ! De beaux moments hors de notre temps. Évidemment, on peut se douter qu’on n’a pas fait grasse mat ! Petit déjeuner à 7h30, partis à 8h15 ! Il fait frais encore ce matin mais moins qu’hier. Il y a toujours autant de vent. Mon sac pèse lourd pour alléger le genou de M Lilie. Je suis le maitre du temps maintenant. Plus question de marcher 3 ou 4h le matin sans presque s’arrêter. Si on veut aller loin il va falloir ménager nos montures ! Toutes les heures, je sonne la pause. A peine 10mn, M Lilie voudrait repartir. Je pousse pour quelques minutes de plus. Le chemin grimpe, grimpe dans la forêt. L’endroit est très joli si on ne lève pas la tête; nous cheminons sous une ligne à haute tension…. Dans des contrées où Stevenson indiquait ne rien voir de la main de l’homme ! Depuis que l’on est parti, je ne comprends pas pourquoi Stevenson a fait un tel détour pour aller à l’abbaye Notre Dame des neiges. Il est parti en haut à gauche, quand elle se trouve en bas à droite. La solution arrive après 2h de marche. L’abbaye a changé de place après qu’un incendie l’a détruite en 1909 ! Nous passons devant les ruines et une statue qui marque l’ancien emplacement et nous redescendons vers la nouvelle abbaye. Son emplacement actuel n’est autre que l’emplacement originel, mais la construction moderne manque de charme vue de l’extérieur. Seule une des façades en pierre est jolie. Celle que l’on voit sur les dépliants ! Nous faisons notre pause repas, puis nous trouvons un petit coin au soleil pour nous reposer un moment. Il peut faire très chaud lorsque le vent s’arrête et très frais quand il souffle. On s’habille, se déshabille en fonction. Nous repartons sur une petite route qui se transforme ensuite en chemin. Il règne un silence exceptionnel dans cette vallée. On n’entend que le bruit du vent dans nos oreilles, du vent dans les arbres. Et le bruit de nos pas lorsque la route redevient chemin. Très loin quelques oiseaux, ils ne doivent pas aimer l’ombre de la forêt de sapins que nous longeons. Le vent fait onduler les blés et je m’arrête pour les admirer, on les dirait vivants, ils le sont d’ailleurs ! Nous arrivons vers 15h30 à la Bastide Puylaurent. Ce village est coupé en deux administrativement. D’un côté du pont sur l’Allier c’est l’Ardèche et la région Rhône Alpes, de l’autre la Lozère en Occitanie.
Je suis contente d’avoir choisi 2 étapes courtes car elles arrivent à point nommé pour soulager le genou de M Lilie. Cette étape a monté raide, mais la redescente s’est faite en pente douce ce qui est parfait pour lui. Chaque jour est un jour de gagné…. Nous dormons dans un gîte ce soir avec un couple qui vient de Marseille et fait tout le chemin en 13 jours et deux jeunes hommes dont un parisien jamais sorti plus loin que la petite couronne. Un sketch ! Son copain, qui aime marcher, lui a concocté une randonnée de quelques jours sur le chemin. L’autre a dans son sac des canettes de coca, des boites de céréales et des bonbons… Imagine Graine, il est incapable de sortir de son monde. Marcher, il ne connaît pas, alors 24km par jour…il est très volubile et partage cette expérience traumatisante avec beaucoup d’humour sur lui même. Ils animent toute la soirée et le repas, voilà pourquoi ce soir mon article arrive si tard.
Pour la suite des recettes: en colonie, soupe petits légumes coupés genre minestrone, sauté de dinde à la basquaise, fromage, salade, abricots.
Ce soir: salade, côte de porc et risotto aux lardons champignons, pana cotta à la fraise.
Tu auras toutes les idées pour tes menus de la, semaine ! On n’a jamais mangé la même chose depuis qu’on est parti. Pas mal, non ?
Je suis contente de voir que tu te remets à la peinture Graine, la couleur c’est ce qu’il te faut.
La voix de Graine
Je vois que vous progressez bien! Vous voilà arrivés en Occitanie. Ce n’est pas trop lourd, avec les kilos en plus de M Lilie, comment vont tes épaules? Nous n’êtes pas restés dormir à notre Dame des Neiges comme Stevenson? Y-a-t’il toujours des religieux dans cette abbaye? Votre nuit à la colonie va vous laisser des souvenirs. C’est vrai que ça doit faire drôle de se sentir revenir plus de 50 ans en arrière. Par contre, côté confort, c’est pareil qu’avant, mais quand on a 10 ans … Tes photos de genêts sont magnifique, Lilie. A les regarder, j’ai l’impression de les sentir. Le menu de la cantine, ben, il me rappelle la pension.
Aujourd’hui, c’est l’ascension, fête religieuse, jour non travaillé! Mon mari est à la maison. Il bricole les branchements de notre nouvelle box tandis que je m’occupe de mes tableaux: système d’accrochage, raccord de peinture sur les bords de la toile. Nous sommes tranquilles. Nous n’avons personne pour manger ce midi. Le repas est vite prêt. Comme tous les jours, vers 11 h 30, c’est le passage de l’infirmière. Elle me retire les agrafes, une quinzaine. Il y a plus agréable, mais c’est fait. Demain je pourrais enlever le pansement et prendre la douche à ma convenance. Finies les papillotes de cuisse. L’aide ménagère arrive vers 14 h 30. Eh oui, un jour férié, je n’ai pas eu vraiment le choix. Pendant qu’elle travaille, nous regardons un film, ce qui me permet de reposer mes jambes qui ont pas mal travaillé ce matin. Une heure plus tard, c’est fille et petite fille qui viennent pour passer un moment avec nous. Après le goûter, nous partons au square. Je fais mon tour avec ma fille et je rentre tandis mon mari me relaie. Cet après-midi, j’ai oublié de prendre mon anti-douleur. Il ne m’a pas manqué. C’est plutôt bon signe. L’après-midi se tire, les filles restent pour manger. Les bonnes habitudes reviennent vite! Quand le soir arrive, je fatigue vite. Heureusement, les filles doivent rentrer tôt. Elles partent au parc Astérix demain matin.
Il fait très froid ce matin. 6 degrés au thermomètre, 3 ressentis sur météo France. Je passe un pantalon et toutes les couches de vêtements que j’ai avec moi. Je suis très contente parce j’ai utilisé absolument tout ce que j’ai emporté dans le sac à l’exception de ce que je veux éviter d’utiliser: pansements, médicaments ! Nous prenons les pique niques à l’hôtel car il n’y aura rien sur notre route. Notre hôtel étant plus de 2km hors du GR, l’hôtelier fait la navette pour ses clients et nous dépose à l’entrée du Cheylard l’évêque. Aujourd’hui nous avons une étape assez longue, pas besoin d’en rajouter. De là nous partons sur une partie de route, puis un large chemin qui monte dans les sous bois. Le paysage est totalement différent maintenant. Plus de prairies ni de fleurs, plus de vaches ou presque, des forêts de sapins. On croise quelques marcheurs. Le chemin de Stevenson est la plupart du temps très large, ça me change des petits chemins de randonnée que nous faisons habituellement. Ici, c’est un chemin, pas un sentier. Il serpente en sous-bois, monte, descend. Le fait de marcher nous a réchauffé mais il fait encore bien frais avec par moments des rafales de vent. Le ciel est couvert et lorsque un rayon de soleil arrive à percer, il semble que le thermomètre monte de 10 degrés. Après 2h de marche, nous arrivons au bord d’un petit lac entouré de sapins. On se croirait au Canada. Nous y faisons une grande pause, bienvenue après les efforts de ce matin. L’endroit est magnifique, quelques bancs accueillent les marcheurs. Il reste 3km500 avant notre pause de midi. Le chemin est devenu sentier comme je les aime. Il descend raide vers le village de Luc. Hélas, le genou de M Lilie commence à montrer des signes de faiblesse. Son moral descend en flèche et je m’inquiète de ce qu’il pourrait advenir. On déleste son sac à dos au maximum ce qui par vase communiquant remplit le mien d’autant. Je préfère porter que de prendre des risques. Nous reprenons doucement la descente. Nous apercevons au bord du chemin quelques unes des bornes dont parle Stevenson et qui servaient de repères en temps de neige. Arrivés au village nous cherchons un endroit sur les bords de l’Allier pour déjeuner et nous reposer un long moment. Il y a encore beaucoup de vent, nous traversons une prairie en fleurs et nous installons à l’abri d’un arbre près de la rivière. Après 2h de repos nous voilà repartis. L’ancien chemin a été abandonné au profit du chemin d’origine. Stevenson parle ce chemin au bord de l’Allier avec son chemin de fer parallèle à la rivière. Du coup au lieu de faire 7km dans les collines nous marchons 3km en bord de route…. Bah, au moins ça repose les genoux ! Finalement au lieu d’une longue étape de plus de 20km, il n’en est resté que 14. Tant mieux, c’est qu’il fallait aujourd’hui. Du coup, nous arrivons tôt à la colonie de l’espoir à l’Aveyrune. La « monitrice » nous accueille en donnant les règles : chaussures dehors puis une fois bien aérées dans les casiers, visite des sanitaires. Elle a eu pitié de nous et nous a alloué une chambre à 2 lits. Trop gentille. La colonie. Vestige des années 70, dans son état d’origine. Un long couloir qui dessert les dortoirs, sanitaires, cuisine, réfectoire et salle de spectacle tout dans la longueur. Les sanitaires me rappellent les campings de ma jeunesse. Si cette colonie accueille encore des enfants aujourd’hui, je me demande ce qu’ils peuvent bien faire ici tout un été… C’est un endroit que je n’aurais jamais imaginer réserver, c’est extraordinaire de se trouver là. Un changement d’époque, de style. L’Allier sépare ici les départements de la Lozère et de l’Ardèche. Ce soir nous dormons côté Ardèche.
Ah, j’oubliais : le menu d’hier soir c’était une assiette composée en entrée : jambon de pays, taboulé, salade, melon. Une côte de porc en sauce avec un aligot et pour finir un clafoutis aux pommes.
Je lis ton chemin en décalé Graine, ton infirmière qui te fait lever trop tôt pour arriver une heure plus tard que prévu, tes difficultés à dormir. Le mois de Mai s’écoule et tu vas aller vers le mieux. Repose ta jambe au maximum quand tu ne fais pas de tour de cour. Si tu as moins mal la nuit, le sommeil reviendra et sinon tu vivras la nuit ! Papillon de nuit.
La voix de Graine
Aiïe aïe, aïe, le genou de M Lilie qui se réveille, il vaut mieux être prudent, vous avez raison. Une étape courte, ça fait du bien, parfois. Et puisque vous dormez à la colonie ce soir…Côté confort, ce doit être rustique. Et il ne fait pas chaud à ce que j’entends!
Les bornes de granit, cela s’appelle des montjoies. Ce sont les moines qui les auraient posé, effectivement, pour éviter que les marcheurs ne se perdent dans la neige.
c’est demain que vous montez à Notre Dame des Neiges? Il y aura également du dénivelé. Mais heureusement, l’étape que vous avez prévue est courte
Moi, j’ai plutôt passé une bonne journée aujourd’hui. Sans parler de nuit complète, la nuit dernière a été bien meilleure. Et pas d’infirmière à attendre à 6h! Non hier, l’infirmière n’est pas passée en retard, c’est sa plage de passage qui est de 6 à 9 h! Au contraire, elle passe plutôt assez vite, ce qui me convient bien.
Aujourd’hui, mon mari est parti travailler au bureau. L’aide-ménagère est venue faire le ménage pendant que je peignais le cadre de mon tableau en vue de l’accrochage de l’exposition, Cela va arriver vite, c’est lundi.
A midi, ma petite fille et son Papa sont venus déjeuner. J’ai préparé un riz pilaf avec du poisson. Et en entrée, je leur ai proposé ma quiche aux poireaux d’hier soir. Ma petite-fille adore. Mon gendre a fait tout le reste du travail ,je me suis fait servir! J’en avait assez fait.
Je devais voir une Graine cet après-midi, mais au vu de nos contraintes réciproques, nous avons reporté!
Cet après-midi, après la pause, j’ai terminé le film commencé hier – 120 battements par mn – grand prix festival de Cannes en 2017, un film des activistes d’act-up regroupant des malades du sida dans les années 1990, très intéressant. Après une sortie aller/retour au square d’à côté, je me suis remise à ma peinture. Eh oui, tout me prend du temps. Ça m’a fait du bien de changer d’activité et de retrouver mes pinceaux. Je n’ai pas encore tout à fait fini, quelques erreurs grossières de perspective!
D’avoir découpé une étape nous a finalement rapprochés de Stevenson. Il était arrivé à Langogne le lundi 23 septembre et nous le lundi 23 mai. Nous faisons, aujourd’hui mardi 24 mai, l’étape qu’il a faite le mardi 24 septembre. Pour autant elle sera très différente. Il s’est perdu car sa boussole ne fonctionnait pas à cause du magnétisme de l’endroit, nous suivons les indications du GR. Il a traversé des landes rases, nous traversons une forêt de sapins plantée peu après son passage. Nous quittons Langogne et son pont de Peyre après avoir fait quelques courses pour midi. L’hôtelier nous a prévenu: il n’ y aura rien jusqu’à la fin de l’étape. Le chemin passe au pied de l’hôtel et tourne dans la vieille ville pour nous permettre de la visiter. Il fait beau ce matin, un peu plus frais que ces jours derniers, pour marcher ce n’est pas plus mal. Nous quittons la ville sur une petite route qui monte pendant presque une heure. S’en suit un chemin de sable blanc qui serpente en montant. Nous traversons un hameau sans âme qui vive et reprenons une partie de route jusqu’au hameau suivant. Un nostalgique de l’époque des trains a recréé une gare tout de bric et de broc. Plus loin un théâtre certainement géré par des artistes annonce une représentation pour le 8 mars… Là encore, aucune âme qui vive. De là un chemin s’élève jusqu’au hameau de l’Herm. Nous faisons notre pause repas sur une table de pique nique installée à côté d’un arrêt de bus. Nous sommes mardi, le bus passe 1 fois le jeudi à 8h54 et une fois le samedi même heure ! La vue est splendide avec les montagnes au fond et les forêts de sapins qui donnent un vert profond aux collines. Pendant notre repas nous voyons quelques habitants qui semblent rentrer chez eux, certainement du travail. Après ce village, le chemin s’élève et le paysage change du tout au tout. Des gros rochers épars jonchent le sol, un peu comme à Fontainebleau. Ils sont éparpillés dans une forêt de sapins que nous traversons. L’un d’eux ressemble même à une Marianne avec son bonnet et sa cocarde ! Il n’y a plus de champs cultivés, mais quelques petites prairies ça et là où les vaches se reposent en ruminant. Le temps s’est rafraichi d’un coup et nous accelérons le pas pour éviter d’avoir à sortir des vêtements de notre sac si près de l’arrivée ! Ce soir nous dormons en dehors du chemin, à 2km, car tous les hébergements étaient complets. Nous avons croisé pas mal de randonneurs aujourd’hui et certains se retrouvent comme nous dans cet hôtel. Il y a eu pas mal de passages sur route aujourd’hui et essentiellement des montées, nous avons dit au revoir à nos deux jeunes hommes car c’était leur dernier jour de liberté. Je pense que ce chemin de Stevenson m’a attiré à lui car il me correspond bien. Le savait-il ? L’ai-je senti ? Sans parler de la beauté des paysages, dormir comme j’en ai besoin, partir tard, traîner en chemin, pas trop de fréquentation, et rejoindre un hébergement où se reposer tranquillement sans personne dedans. Certainement pour la même raison Graine, tu as choisi Compostelle qui convient parfaitement à ton rythme et à tes besoins.
A te lire Graine, je vois que tu fais toujours beaucoup de choses pour t’occuper et que tu as de beaux projets. Pour répondre à ton invitation, bien sûr je viendrai. Fais bien attention à ta jambe quand même, elle doit bien se consolider pour que tu repartes vite à l’assaut des chemins. Je me souviens que le médecin t’avait dit un mois de souffrance et certainement avait il raison… Passe au CBD le soir ! Antidouleur et détente assurée !
Et parce que tu es toujours aussi gourmande le menu d’hier : assiette de charcuterie, salade aux lardons, truffade (pommes de terre sautées au fromage) très parfumée aux herbes de Provence, ile flottante. On s’est couché bien repus !
La voix de Graine
Je prends plaisir à te lire, Lilie. Je chemine avec toi, peste contre les routes goudronnées, admire les paysages, apprécie la solitude…Ce chemin là aussi m’aurait bien été, mais cette année, il n’était pas pour moi. Miam, la truffade, j’adore ça! J’en ai l’eau à la bouche. Tes photos sont magnifiques. Tu mets du soleil dans ma journée un peu terne de convalescente.
Oui, j’ai de beaux projets, mais je bute sur les nuits. La nuit dernière, je n’ai pas eu mal. Je n’en ai pas dormi plus pour autant, même moins. Ce matin, l’infirmière passait pour la prise de sang. Je devais être réveillée et prête à l’accueillir pour 6 h.
Elle est passée à 7 h. Après son passage et après une bonne douche – quel plaisir, la douche, je l’apprécie comme je ne l’ai jamais appréciée – je me suis re-couchée et j’ai enfin dormi. Grasse matinée jusqu’à 9 h 15.
Entre cette nuit agitée et ce réveil tardif, je n’ai pas été très vaillante aujourd’hui. En fin d’après-midi, avec mon mari, nous sommes allés faire quelques courses et j’ai préparé une tarte aux légumes poireaux/ feta.
Cet après-midi, j’ai oscillé de la chaise au canapé, regardé un bout de film, passé des coups de téléphone, appliqué des poches de glace, joué au solitaire, fait quelques exercices…J’ai zappé la sieste pour mieux dormir cette nuit. Pas sûr que ça marche pour autant.
Il fait frais sur Paris. Je m’astreins cependant à faire mes tours de cours 3 à 4 fois par jour, mais pas plus. S’il continue à faire froid, je vais devoir troquer mes shorts – moi aussi, je suis en short, na – contre des pantalons, reste à savoir comment je vais réussir à les enfiler et si je vais réussir à rentrer dedans.
Lundi 23 mai. J’ai mieux dormi cette nuit, forcément une nuit sans, une nuit avec. Me voilà plus reposée. Ce matin, la propriétaire nous a apporté une excellente brioche et du bon pain frais pour le petit déjeuner. Avant de quitter le village, nous achetons de quoi pique niquer ce midi puis nous retrouvons le départ de notre étape. Aujourd’hui le chemin est agréable, il tourne, il vire, il monte, il descend. Il change de forme: herbe, sable rouge, cailloux, sable blanc, toujours très large et bien entretenu. Il dévoile des paysages fantastiques au fil de notre avancée. Le soleil est revenu, nous cheminons entre les prairies, faisons le spectacle pour les vaches curieuses qui nous regardent passer. Ce matin c’est beaucoup de prairies fleuries et de vaches. C’est vraiment beau. Nous sommes seuls sur le chemin. Stevenson avait fait 2 étapes quand nous en avons fait 3. Du coup, la plupart des marcheurs partent du Bouchet et sont loin derrière nous. Je ne regrette pas ce choix parce qu’arrivée à Ussel j’aurais été incapable d’aller jusqu’au Bouchet à encore 3h de marche. La propriétaire du gite d’hier m’a même dit que beaucoup de marcheurs finissent l’étape en taxi, c’est quand même dommage. Et puis après toute cette fatigue, notre étape d’aujourd’hui aurait été encore de 26km et pour moi c’est beaucoup trop. Donc nous voilà repartis. Nous passons devant un libre service boisson: un auvent avec dessous 2 tables, une glacière et un petit coffre pour y glisser le prix de ce que l’on prend. On peut écrire un petit mot aussi. C’est extraordinaire de voir ça ! Au bout de 2h de marche environ sur ce joli petit chemin nous attaquons ce que Stevenson a appelé « la longue montée vers Pradelles ». Plus de 7km de montée plus ou moins forte. Pour autant, c’est bien plus agréable qu’hier. Au loin on aperçoit tout au fond le lac de Naussac et Langogne notre destination de ce soir. Les nuages arrivent peu à peu et deviennent de plus en plus menaçants. Un homme qui répare la clôture de son champ pense qu’il ne pleuvra pas, 6 mois qu’ils attendent la pluie ici. 10 mn plus tard, le nuage vexé, lui donne tort. Nous sortons les capes de pluie pour éviter de mouiller nos sacs à dos. On ressemble à deux grosses tortues ! Même les vaches semblent amusées de nous voir ainsi accoutrés. Après un petit quart d’heure, la pluie s’atténue puis s’arrête. Il fait beaucoup plus frais maintenant et nous passons une veste. 2km avant Pradelles, nous nous arrêtons pour déjeuner sur l’herbe sèche à l’abri d’un arbre. Puis nous descendons vers Pradelles faire une grande pause café. Le café est bondé de marcheurs, motards, touristes. Les marcheurs partis ce matin du Bouchet commencent à arriver. Nous retrouvons aussi les deux jeunes hommes d’hier en train de copieusement déjeuner et boire ! Ensuite ils repartiront avec la même énergie. Si je mangeais et buvais la moitié de ce qu’ils ont avalé je ne pourrais plus avancer ! Cette jeunesse ! Après notre pause et une petite visite de ce charmant village, nous descendons vers Langogne à 5km de là. Le chemin est en sable blanc, fini le sable rouge, et il descend tranquille tout le long. Nous sortons maintenant du Velay pour entrer en Lozère dans le Gevaudan. Langogne est une petite ville très passante au bord de l’allier. Comme Stevenson, hier nous avons traversé la Loire, aujourd’hui l’Allier. Ce soir nous dormons dans un petit hôtel très dans son jus et très proche de la nationale ! Plus de gîtes à Langogne, nous avons rejoint une étape officielle et réservé bien trop tard…
Les hôtes des gîtes nous ont expliqué que Stevenson n’est pas Compostelle. Le chemin n’est pas aussi fréquenté loin sans faut, il n’y a pas encore beaucoup de gites. La règle de Compostelle se lever tôt, arriver tôt et chercher son gîte en chemin ne s’applique pas pour le chemin de Stevenson. Bon, nous le saurons pour la prochaine fois….
J’espère Graine que comme moi, tu marches de mieux en mieux. Ne force pas, laisse la nature faire le travail, la consolidation des os, c’est un mois.
dav
La voix de Graine
C’est super, Lilie, ton ton a changé, tu es vraiment dedans à présent. Tu t’échappes, tu m’échappes et c’est tant mieux.
J’ai fini le livre de Stevenson sur son chemin avec Modestine. En fait, si j’étais partie avec vous comme prévu, je serais partie marcher sans l’avoir lu! Une partie de moi savait sans doute que je ne serais pas du voyage, une partie inconsciente, bien sûr!
En à peine 4 jours, vous êtes devenus des randonneurs au long cours, je vous tire mon chapeau! Moi, généralement, il me faut quasiment une semaine pour être bien dedans. Vous n’avez pas d’ampoules?
Pour ma part, la nuit dernière ressemblait aux précédentes. Quelques plages de sommeil assez courtes et entre les 2, je déambule dans l’appartement, j’applique des poches de glace, je cherche une position plus confortable que je ne trouve pas. Je n’arrive toujours à dormir sur le côté. Je n’en peux plus d’être obligée de dormir sur le dos.
Ma grande sortie du jour, c’est la sortie « kiné ». C’est à 100 m de la maison, mais il faut sortir de la cour, prendre le trottoir.
Sur les conseils de l’infirmier, je vais changer de stratégie pour les médicaments. Je vais les prendre au moment où je me couche, en espérant qu’ainsi ils m’aideront mieux à gérer mes nuits. Du coup, je modifie aussi les heures de prise des anti-douleurs dans la journée, tout en veillant à baisser la dose journalière.
Voilà à quoi j’occupe mes journées!
Cet après midi, après une pause « poche de glace », j’ai travaillé sur l’ordinateur du salon, plus grand, plus confortable. Jusqu’à présent, j’avais du mal, je n’arrivais pas à poser ma jambe pour être bien.
A la fin du mois, nous avons le salon de notre cercle d’artistes. Le vernissage a lieu le 9 juin. Tu es invitée, Lilie, avec toutes les graines bien sûr. Donc, voilà, c’est fait, j’ai envoyé les invitations. Il me reste du travail à faire sur les tableaux que je vais exposer. J’ai mis ce soir mon mari à contribution pour fixer mon collage dans son cadre. Et ce n’est pas fini, il devra aussi m’aider pour mettre en place le système d’accrochage. Moi, j’ai encore à peindre le cadre. Je me suis engagée aussi à recenser l’ensemble des invités pour le vernissage. C’est plus facile pour moi que de faire un gâteau.
Je travaille beaucoup pour le site de mon association jacquaire. Les 11 et 12 juin, l’association fête ses 70 ans, avec deux ans de retard, pour cause de Covid. Pour mettre le site à jour, entre la difficulté à me concentrer, la difficulté à me mettre dans une position confortable pour travailler et mes compétences limitées, j’ai vraiment galéré. Pour donner un résultat un peu convenable, j’ai fait appel au développeur. Il est en déplacement au Canada, facile pour communiquer. Heureusement, il a accepté de m’aider.
Passe une bonne nuit Lilie. C’est ce que je me souhaite aussi. Et toutes mes félicitations à M Lilie.
Et le menu du soir, Lilie, cela fait deux jours que je ne l’ai plus…Est-ce que buvez une bière à l’arrivée de l’étape?
Notre menu de ce soir: des fonds d’artichaud à l’ail pour aider mon foie et parce que c’est bon et du gazpacho.
Je n’ai presque pas dormi cette nuit. Impossible de m’endormir, de prendre mon sommeil comme dit ma mère. 2h, et toujours à tourner dans le lit. Comment est-ce possible ? J’ai marché toute la journée, je suis fatiguée et impossible de dormir. Comment je vais tenir demain ? Je me lève, m’installe dans la salle à manger pour lire. Le sommeil s’installe finalement vers 3h. À 5h30, je me reveille par la fraîcheur du matin. Je réintègre la chambre et me rendort vers 6h. A 8h, je me réveille, il est l’heure de se lever. M Lilie dort depuis 23h hier soir et dort toujours. Quelle chance. Nous prenons le petit-déjeuner en compagnie d’un Américain, amoureux de la France qui vit dans le Périgord et qui adore visiter la France. Il n’aime pas les États-Unis, il dit que les gens sont incultes, qu’il n’y a pas d’histoire, qu’on ne peut pas parler comme nous le faisons en ce moment, d’un écrivain qui voyage, de lieux à visiter. Tout ce qui ne rapporte rien ne les intéresse pas. Après ce moment d’échange, nous repartons sur le chemin. M Lilie a oublié son téléphone, moi mes bâtons. Heureusement nous n’avons fait que quelques dizaines de mètres ! L’etape d’aujourd’hui est quasiment à plat. Il fait très beau, déjà très chaud, avec peu d’ombre. Un petit chemin nous emmène jusqu’au 1er village où nous croisons un troupeau de vaches, sur la route. De là, nous arrivons sur un plateau, que nous traversons sur un large chemin de sable et de gravillons rouges. Il serpente au loin devant nous, nous nargant d’avancer si lentement ! Il monte légèrement nous empêchant de voir le paysage devant. La vue est derrière nous, au loin les prairies, les collines, aussi il faut s’arrêter pour la contempler. Nous sommes entre deux rangées de collines, au milieu de champs de blé, lentilles et autres, indéterminés ! Des fleurs au bord du chemin, les oiseaux qui chantent. Aujourd’hui nous allons cheminer souvent sur ce terrain gravilloneux, traversant plusieurs plateaux. L’étape est assez monotone. J’avance quelquefois difficilement car la lassitude est un mauvais moteur ! Au 2ème village, nous nous trompons de chemin. Plusieurs GR se croisent, il y a des bandes rouges et blanches dans tout le village ! Je m’aperçois très vite que la direction est mauvaise, nous rebroussons chemin sur quelques centaines de mètres. Quelques passages sont magnifiques, en particulier un endroit où plus aucun bruit de civilisation n’arrive. Pas un moteur de voiture ou de tracteur, pas un avion, juste le silence et quelques oiseaux et grillons. Enfin après un deuxième plateau, nous arrivons au Bouchet saint Nicolas où nous allons faire une grande pause. Une petite épicerie tenue par une charmante dame nous permet d’acheter de quoi pique niquer. Devant nous, les deux jeunes hommes croisés ce matin achètent leurs provisions pour la journée. Ils campent. Salades, Charcuterie, fruits, pain, gâteaux, et surtout une bonne bouteille de vin ! Le poids a peu d’importance pour eux ! Pourtant ce matin dans le village scélérat, ils ont eu moins de chance que nous et fait un écart de plus d’une heure trente, ce qui veut dire beaucoup vu l’allure à laquelle ils marchent. Nous pique niquons à côté d’une famille partie avec leur petite fille de 2 ans et un âne. Ils veulent faire 15km par jour sur une semaine. Ils commencent à comprendre au bout de 2 jours que les vacances ne vont pas être de tout repos entre la petite qui n’arrive pas à faire la sieste et l’ânesse qui refuse d’avancer ! Il est plus de 14h30 quand nous repartons. Il reste 6km500, tout plat, tout droit sur le chemin caillouteux. Je commence à fatiguer et avoir mal dans les hanches, aux îgenoux. C’est surtout ce morne chemin que me lasse. Je préférais hier quand on montait et descendait sur des chemins tout petits et ombragés. 3km avant d’arriver un gros nuage noir s’avance, menaçant. Le vent qui vient de face devrait le chasser mais il semble nous suivre. Le tonnerre gronde. Nous accélérons le pas pour arriver au gîte avant la pluie. Le dernier km est très joli, sur un petit chemin en herbe, entre les murets des champs et les haies de genêts. On entend les grillons partout dans les prairies. Finalement, il ne pleut pas.
Ce soir nous dormons dans une maison individuelle. La propriétaire habite la maison d’à côté. Elle nous a préparé un goûter et viendra faire rechauffer le repas du soir. Dans la maison un jeune couple croisé ce midi occupe la chambre du bas et nous celle du haut. Ils font le chemin en 11 jours avec des étapes de plus de 30km chaque jour et 15kg sur le dos… C’est beau d’être jeune, un beau souvenir.
C’est le dernier gîte que tu as réservé Graine, chaque soir nous étions un peu chez toi.
La voix de Graine
C’est dimanche aujourd’hui. En fin d’après-midi, je guette les nouvelles. Je ressens ta fatigue, Lilie.
Je dors très mal moi aussi, mais pour d’autres raisons…Tu pourrais acheter en pharmacie de l’euphytose nuit. C’est vendu sans ordonnance et a priori sans danger. La mélatonine facilite l’endormissement. C’est assez efficace.
Je pense que c’est le stress qui te maintient en éveil. Détend toi, tout va bien. Vous vous débrouillez très bien. Profite juste des paysages et de la marche.
C’est vrai que lorsque le paysage est monotone, la route est plus longue et plus difficile!
Aujourd’hui, j’ai parcouru 460 m, c’est mon podomètre qui me l’a dit. Une grande virée pour aller chercher de l’argent à la banque, accompagnée de mon mari bien sûr.
La dernière nuit a pour moi été une des pires. J’avais mal. Hier soir, nous avons fait un apéritif dînatoire avec ma copine d’écriture. Je me suis laissée allée à boire un peu de vin blanc. Bien mal m’en a pris. J’avais mal, très mal. C’était l’enfer.
Comme toi, j’ai dormi 2 h sur le matin, des poches de glace posées sur le genou et sur la cuisse.
Heureusement, j’avais droit à la douche ce matin. J’ai apprécié, et après, tout allait mieux. J’ai la chance d’avoir mon petit déjeuner au lit tous les matins.
Ce midi, mon mari nous a préparé un risotto aux champignons. Ma fille est venu manger avec sa petite. Le papa de la petite est passé aussi. Quel paradoxe, nous avons une vie sociale à la maison bien plus riche que ces derniers mois. A méditer, non?
J’ai même réussi à diminuer un peu aujourd’hui les anti-douleurs.
Courage, Lilie, ça va aller de mieux en mieux, mais il faut que tu dormes la nuit!
L’appartement était un vrai frigo, heureusement avec le chauffage nous avons bien dormi et le linge a seché. Ce matin, mission minimum de poids. On prend un bon petit déjeuner et très peu de nourriture dans le sac pour midi. Puis direction la poste pour se délester de 4,5 kg. Cela fait, en route. Il est 10h40, heureusement l’étape est courte. Autre avantage, il n’y a plus personne sur le chemin. Le départ du chemin se trouve sous la terrasse de l’église, à l’endroit où la vue est la plus belle. Le temps est magnifique, les oiseaux chantent, la vallée se devoile devant nous. Le chemin commence par une descente, pour se remettre en marche, c’est plus facile qu’hier. Puis très vite, on remonte, on descend, on remonte. Cette region du Velay est faite de collines qui s’enchaînent les unes les autres. On croise 2 Allemandes qui voyagene avec un ane qui s’appelle papillotte. On baraguine un peu en Anglais. Papillote n’a pas fait le chemin depuis 2 ans, c’est sa première sortie, il lui faut se réhabituer et donc il faut de la patience à ses maitresses. On se recroise plusieurs fois au fil de nos arrêts. Elles font des étapes très courtes sur une semaine.Nous profitons vraiment du chemin maintenant que nous sommes plus légers ! Nous continuons notre chemin le long d’un grand plateau. Le soleil cogne fort, il est plus de midi, et il n’y a ni ombre, ni vent. Nous attendons le prochain village pour prendre un café et remplir nos gourdes. Hélas, rien d’ouvert si ce n’est les toilettes publiques ! C’est le principal finalement et nos gourdes sont reremplies d’eau fraiche. Encore un peu de plateau et nous attaquons la descente vertigineuse vers Goudet. Le chemin est si pentu que les ânes n’y passent pas. Je me demande en moi même ce qu’avait fait Stevenson avec Modestine… Sommes nous sur son chemin, auquel cas nous prenons plus soin de nos ânes ou est-ce que cette partie du chemin n’est pas la sienne ? Pour la première fois on sent les genêts, hier ils ne sentaient rien, à se demander si je n’avais pas le covid ! C’était frustrant de voir tout se jaune, sans odeur. Aujourd’hui ils embaument. Question de variété, de temps.. Après cette longue descente, très pentue, tres caillouteuse et même très glissante, nous arrivons à Goudet. Nous nous arrêtons déjeuner sur le bord du chemin à l’ombre. Puis miracle, nous trouvons un gite ouvert qui nous permet de faire une longue pause désaltérante. Nos 2 allemandes dormiront là. Elles arrivent et les hôtes s’occupent de delester Papillote de son bat, la libérer dans un grand enclos et lui donner à boire. Après cette pause bien méritée, nous traversons la Loire pour la deuxième et peut-être la dernière fois car le GR qui part vers sa source se sépare du notre.
Qui dit grande descente, dit grande montée. Heureusement que nous sommes reposés. La montée qui suit est à la hauteur de la descente qui l’a précédée … Il fait très chaud, il est 16h. Des températures inédites pour la saison nous précise notre hôte du jour. Nous arrivons dans une immense maison, toute en pierre de la région. Notre gite est un appartement entier avec une cours ombragée et fleurie ouvrant sur une vue grandiose. La prairie au premier plan et les collines du Velay au fond.
Il y a 3 petits lits dans la chambre….
Une fois la douche prise et la lessive faite, il est temps de se détendre.
J’ai dans l’idée de relire le livre de Stevenson à chaque étape. Pour celle-ci, il a passé beaucoup de temps à essayer méchamment de domestiquer Modestine et il mentionne bien l’interminable montée jusqu’à Ussel, lui aussi sous un soleil de plomb. Mais autre temps, autre moeurs, chaque village grouillait de vie quand nous traversons des rues désertes, il s’arrêtait manger dans les auberges le dimanche quand tout est fermé le samedi…
Je lis aussi ton chemin Graine et tes conseils. Il est bien plus difficile que le mien… Quant à le faire avec un âne, pour l’instant je n’ai vu personne le faire intégralement avec. Papillote s’arrête à la Bastide puylaurent et fait des étapes de 10km. On est plus tendre aujourd’hui avec les animaux ! Alors pourquoi pas un bout avec et un bout sans ? Nous aurons tout notre temps.
La voix de Graine
Je lis ton article Lilie et je sens la joie qui te traverse. Chapeau, vous voici déjà sur de bons rails…Et tout aussitôt, je m’aperçois que j’ai intégré les photos sur le mauvais jour! Je suis nulle. Mais, je commence à m’y mettre! Aucun doute que ça ira de mieux en mieux.
Aujourd’hui, je me sentais bien, alors à midi, j’ai voulu zapper l’anti-douleur. Bien mal m’en a pris. J’ai dû me résoudre à avaler ce fameux cachet qui m’assèche la bouche, mais me soulage.
Outre mes deux tours de cours, aujourd’hui, j’ai fait deux sorties inédites: Une sortie à la Biocoop d’à côté, avec mon mari pour compléter les courses et une sortie au square d’à côté. Impressionnant, non!
Cet après-midi, sur l’heure de ma sieste, et au delà, j’ai suivi d’une oreille distraite l’AG de ma coop sur zoom. C’était très intéressant. J’ai laissé l’AG se poursuivre, ordinateur ouvert, et je suis sortie. Au bout d’une heure, une heure et demie, je dois changer de position, y compris la nuit. La nuit, je déambule dans l’appartement. Au début, mon mari se réveillait et s’inquiétait. Maintenant, il continue à dormir, c’est mieux et pour lui et pour moi.
Ma copine d’écriture va passer ce soir. Comme je ne peux pas me déplacer, ce sont les autres qui viennent me voir. C’est cool.
L’année prochaine, on fait Stevenson avec un âne, chiche!
Cette nuit, impossible de dormir, 3h du mat… Réveillée 7h40. Pourtant on est très bien et il n’y a aucun bruit. Une angoisse sourde. Comme chaque fois que je pars de la maison. Il me faut un temps d’acclimatation.
Après un petit café et une bonne douche, on quitte l’appartement et notre première étape sera d’aller acheter le pain et prendre un vrai petit déjeuner. A 9h30, nous voilà vraiment partis. Le chemin démarre par une longue montée. Il fait trés beau, très chaud. Heureusement un vent, quelques fois assez fort, nous raffraichit et sèche nos vêtements car on transpire pas mal. Le sac me coupe l’épaule. J’ai glissé mon polaire sous la sangle pour la proteger mais c’est qd même encore douloureux. Après la montée nous arrivons sur le plateau, au loin les montagnes et quelques villages. Le paysage est magnifique. Le chemin est souvent ombragé, quelques fois sur une petite route, sans difficulté. Ouf, parce qu’au départ je me suis dit que ça allait être chaud… Après 2h 15 de marche, nous dévalons la pente à Coubon pour traverser et faire une pause déjeuner sur une aire aménagée de tables de pique nique. Ça fait du bien de s’arrêter un peu et de poser le sac. J’en profite pour modifier l’agencement et alléger le côté gauche qui appuie trop sur mon épaule malade. Pour la suite du chemin, le guide indique de gravir la route, rien que le terme nous effraie ! Effectivement 2km de grimpette sur route, au soleil à l’abri du vent. Toute l’eau sort de notre corps ! Arrivés au sommet, nous traversons la colline de part en part, avec une magnifique vue à 360 degrés. De là, aucun barrage pour le vent qui reprend en bourrasques traitresses pour notre équilibre. Nous franchissons comme ça plusieurs collines, monter, descendre. Les premiers panneaux indiquant le chemin apparaîssent, nous croisons aussi quelques randonneurs. La dernière partie du trajet se fait sur un chemin en balcon qui domine la petite ville du Monastier sur Gazeille où nous allons dormir. M Lilie n’en peut plus de porter son sac. Trop lourd. Les transporteurs, comme les gites, sont complets. Alors à l’arrivée au gite nous défaisons nos bagages pour nous alléger. Comme Stevenson qui a jeté dehors son surplus, comme toi Graine sur ton premier chemin. Demain nous irons faire un colis de retour ! En attendant, nous allons dîner au bout du Monastier, tient donc, 600m de plus et retour ! Nous en profitons pour visiter un peu la vieille ville et ses 2 églises. La ville est construite sur le flan d’une colline, la vue sur la vallée en face du Monastier est magnifique depuis les balcons. Nous partageons notre repas avec un autre couple, plus expérimenté dans le portage ! Ils viennent de Normandie et vont faire un demi chemin, difficile pour eux de dégager 2 semaines. Comme pour le portage il faut faire des choix. Avant de partir, une dernière information importante: Au menu de ce soir: salade composée avec salaisons maison, Saucisses lentilles (normal ici !), fromage, gâteau de semoule. C’était promis, de mettre le menu !
Que dire de cette première journée, 19km, le chemin est une suite de passage de collines, les paysages sont magnifiques, le sac est lourd et notre corps courbaturé.
Nos chemins sont parallèles Graine, une première sortie pour chacune, nous marchons avec nos batons pour nous aider, nous parlons toutes deux d’aller à la poste ! Je suis heureuse de te savoir sortie de chez toi, ta force est toujours là, je te remercie pour tes encouragements. Tu aurais dû être près de nous, et tu l’es.
La voix de Graine
En te lisant, Lilie, à J+1- les convalescents sont des couche-tôt, et même si mes nuits sont hachées, je n’ai pas le courage d’écrire la nuit – mon sac est trop lourd et j’ai les épaules cisaillées. Je compatis à ce que tu ressens. C’est du vécu.
Quand j’ai fait mon premier chemin de Compostelle, en 2002, en partant de St Jean Pied de Port, avec mes 14 kg, la 1ère étape a été, comment dire, un vrai parcours initiatique. Bien sûr, pour commencer, une étape de montagne avec d’importants dénivelés. Je n’avais pas de bâtons. Normalement, l’étape s’arrêtait à Roncevaux, mais quand je suis arrivée à l’abbaye de Roncevaux, le gîte était fermé. Il fallait attendre 3 h. Avec quelques-uns, nous avons décidé d’aller 4 km en avant. J’ai fait les 4 derniers kms dans les pas d’un gigantesque hollandais avec lequel nous baragouinions en espagnol et en anglais. Je me laissais aspirer, j’avais mal partout. Pour ma part, je n’ai pas renvoyé de colis à la maison, mon mari avait suffisamment à faire avec les enfants. Trop fière peut-être aussi. Mon dos était en bon état et j’étais jeune! Au fur et à mesure des étapes, j’ai distribué: une serviette de toilette par ci, un savon par là, …
Aujourd’hui, mes ambitions sont de décoincer ma jambe blessée, avec l’aide du kiné bien sûr. Toute la jambe s’est raidie, impossible de plier le genou. Le kiné est passé deux jours de suite, jeudi et vendredi. Il a fait du bon boulot. Lundi, j’irais à son cabinet, il m’a promis du skate, c’est top, non?
Côté sortie, après mon expédition de jeudi à la Poste, je me suis calmée. Trois ou quatre fois par jour, je fais deux tours de ma cour avec montée et descente de quelques marches. Je dois aussi faire les exercices prescrits par le kiné: Elégant petit balancer de la jambe gauche, avec pliage du genou au passage.
Pour rythmer mes journées, outre les temps de promenade, le passage de l’infirmière tous les jours entre 11 h 30 et 12 h pour injection de la piqûre d’anticoagulant et refection du pansement, et après le repas, la sieste. Je ne dors pas toujours, mais je me repose. Deux jours par semaine, l’aide ménagère vient faire le travail que je ne peux pas faire. Le pliage du linge, ce n’est pas son truc, alors peu à peu, je reprends du service.
Tous les 2 jours, je prends la douche, un vrai plaisir. C’est quand les choses deviennent rares et difficiles qu’elles deviennent précieuses.
Pour la cuisine, c’est mon mari qui fait ou bien les invités. Cette semaine, j’ai préparé une quiche aux épinards et épluché mes radis. Ce que je fais, je le fais lentement ….
Mon paysage alentour n’est pas aussi grandiose et diversifié que le tien. Mais effectivement, comme toi, Lilie, et M Lilie, j’ai mes bâtons qui m’aident à marcher!
Promis, Lilie, je vais essayer de mettre les photos sur le blog, mais sois patiente. Tout me prend beaucoup de temps.
C’est l’effervescence ce matin. Je veux tout laisser propre, défaire le lit, laver la salle de bain, arroser les fleurs, vérifier mon sac. Enfin, tout est prêt, il ne reste plus qu’à attendre le chauffeur qui nous emmène à la gare de RER. Bien sûr il est en retard. De très peu, mais le stress me gagne. Enfin le voilà et le trajet se passe sans encombre (ou presque). Le Tgv est à quai. Tout semble se dérouler normalement jusqu’à ce que les contrôleurs nous évacuent à cause d’un bagage oublié. Nous partons finalement avec un quart d’heure de retard. Hors nous n’avons que 8mn de correspondance à Saint Etienne. Je reste philosophe, il y a un train toutes les heures pour le Puy. C’est ça le chemin, s’adapter, ne pas se stresser pour si peu. D’autant plus que le TER a attendu l’arrivée du TGV pour partir. La plupart des passagers qui empruntent le TER sont équipés comme nous d’un gros sac à dos. Ils devaient bien être dans le TGV, mais un TGV c’est grand alors je ne les avaient pas repérés. A côté de nous, ça parle Stevenson, plus loin on évoque Compostelle. Un jeune homme sort un creancial tout neuf et son guide « Compostelle depuis le Puy ». Voilà une nouvelle idée pour toi Graine. Devant nous, quelqu’un confirme un gite. On se sent rentrer dans le chemin. Le TER avance lentement, il se traine le long de la rive de la Loire dans un bruit de moteur impressionnant, va-t-il arriver à destination ? En plus de ça, la porte des toilettes qui ne ferme pas claque sans arrêt. Dehors, le paysage est magnifique, les collines verdoyantes, la vallée de la loire. Et à cette vitesse on en profite bien !
Enfin le train s’arrête au Puy en Velay. Nous sommes venus déjà 2 fois sans aller jusqu’à la gare. Du coup je ne reconnais rien. J’ai l’impression d’être perdue dans une ville inconnue. Au bout de quelques centaines de mètres (quand même), je raccroche les wagons. Nous trouvons sans peine l’appartement loué pour ce soir. Pour autant, le sac m’a scié les épaules. Ce n’est pas tant le poids qui me dérange mais cette impression que les sangles appuient trop sur les épaules. Et c’est mon point faible. J’espère que ça ira sur les longues distances… Déjà, prendre les habitudes de vie: aller chercher le repas pour demain midi, laver tee-shirt et sous vêtements. Et quand même, se détendre et profiter du cadre. Nous montons à la cathédrale faire un coucou à la vierge noire, puis nous trouvons un restaurant en extérieur pour diner car il fait très très chaud aujourd’hui. Après le repas, nous partons en repérage. Stevenson n’a pas commencé le chemin depuis le Puy, alors il faut effectuer la liaison jusqu’à Monastier par un autre GR. L’idée est de repérer le départ sans avoir nos sacs sur le dos pour éviter de tourner en rond demain matin lorsque nous les porterons. Ceci étant fait, nous pouvons rentrer à l’appartement nous reposer.
La voix de Graine
je vous regarde partir et moi je reste là, allongée sur mon canapé, une poche de glace sur la cuisse. Un petit pincement au cœur. Je vous accompagne à J+1. Aujourd’hui, il pleut. Tandis que vous partiez à la rencontre de vos premières grimpettes, je remontais la rue de Buzenval. Mon objectif: La Poste. J’ai une lettre à poster. Je suis sortie car il ne pleuvait plus. Mais c’est un temps d’averse aujourd’hui. A peine dehors, Il se remet à pleuvoir. La pluie est douce et tiède. Il pleut par intermittences. Entre les gouttes, je progresse, sans prendre de risque. Il n’est pas question de glisser.
Merci pour les photos, Lilie. Je ne me sens pas encore d’attaque pour le dessin. Mais, aucun doute, ça va venir.
je connais le Puy. J’ai fait avec mon conjoint le début de la voie du Puy, du Puy à Conques.
Les marches à long cours, c’est une ambiance, une solidarité, une sorte de famille. Bienvenue au club.
Les premiers jours ne sont pas faciles, le sac est lourd. Mais, si on est persévérant et prudent, au bout de quelques jours, marcher dans la nature devient un pur plaisir!
Bon chemin à toi Lilie et à Monsieur Lilie
J’oubliais: Ce matin, j’ai pris la douche. Quel plaisir!
Au sens propre. Un sac à dos qui n’est pas sorti depuis plus de 35 ans. Du temps lointain des semaines de randonnées en montagne avec un club de Lyon. Tellement d’années ont passé, certaines marquantes, certaines oubliées.
Pour cette veille de départ, j’ai partagé mon temps entre la garde de ma petite fille et le télétravail. A 18h, les vacances sonnent enfin. Une grande respiration, le bonheur de me sentir enfin libre pour quelques jours.
J’ai téléchargé les billets de train et la location de demain soir. Tout semble être sur les rails. Et puis soudain, l’angoisse de ne rien oublier. Une seule méthode, tout vider, tout cocher et tout remettre ! Je pense que c’est bon. Et puis il faut l’avouer, nous partons en France, nous croiserons des villages, quoi qu’il manque ne manquera pas longtemps. Je suis certaine qu’il y aura plutôt trop que pas assez.
Le poids ? 9kg, sans la gourde et le pique nique, mais avec les 2 batons et les chaussures de marche car demain je pars en basket. Comme une fin de grossesse, mais derrière ! 🥴
La pression monte, c’est la première fois que nous partons marcher sur plusieurs jours avec un sac sur le dos. C’était mon envie; j’y ai entraîné Graine, nos conjoints et finalement il ne reste plus que nous deux. C’est sûr, ce n’est pas le même chemin. L’expérience de Graine va nous manquer. On va découvrir par nous même. Sans papotage à l’arrière.
Je n’ai pas marché depuis 10 jours. Par choix. Pour me reposer avant de partir. Est-ce une bonne idée ? L’avenir proche me le dira. Bizarrement, je n’ai pas marché depuis que j’ai vu Graine à l’hôpital. Curieux non ?
Demain, nous prenons le train pour rejoindre le Puy en Velay.
La voix de Graine
9 kg, Lilie, cest beaucoup! Je dirais même trop, mais je comprends. Mon 1er sac pour Compostelle pesait 14 kg! Nous sommes tellement habitués à tout avoir sous la main que c’est difficile de lâcher, difficile de faire un sac avec presque rien.
J’ai grande confiance en vous. Vous êtes solides. Vous saurez lâcher ce qu’il faut si c’est nécessaire. Comme tu dis, Lilie, vous ne partez pas en plein désert.
Ceci dit, c’est normal que la pression monte. Mais l’adrénaline aussi. Tu es comme moi, Lilie, la nouveauté te fait peur, mais elle t’excite, te stimule, te motive…
Patatras. Si j’ose le dire. Ce matin au réveil, un message de Graine. Accident à vélo, fémur cassé. Opération. Convalescence. Le chemin a-t-il décidé de lui même ? Qui décide tout là haut d’envoyer ces épreuves ? Compostelle serait-il jaloux ? Graine qui a tant besoin d’air, de s’échapper en solitaire, et la voilà rivée chez elle tout l’été. Épreuve de patience. Je sais qu’elle fait contre bonne fortune bon cœur….Son chemin sera plus court mais bien plus difficile que le notre.
Nous ferons ce chemin, tous les 3 comme convenu. 2 en marchant, 1 en illustrant, commentant, racontant son chemin, couloir, cours, square, toujours plus loin. Dans 16 jours, nous reviendrons tous au point de départ. Et nous imaginerons, qui peut le dire, le chemin 2023 ?
La voix de Graine
Patatras. Le vendredi 6 mai, un peu avant 18 h, un accident de vélo, une fracture du fémur.
Ce chemin de Stevenson qui s’échappait depuis 2 ans, s’échappe à nouveau, pour moi en tout cas. Heureusement, Lilie, la préparation est lancée, plus de retour arrière possible! J’aurais eu cet accident il y a un mois, qu’aurions-nous fait? Nous aurions reporté, encore! Je suis contente que tu partes Lilie, avec ton conjoint. C’est une si belle expérience que j’aurais bien aimé partager avec vous. Mais, c’est promis, je vais vous accompagner, à distance.
Vous me parlerez de votre avancée. Je vous parlerais de mes progrès.
Un arrêt forcé comme celui-là, ce n’est pas anodin, ça invite à réfléchir. Je vais m’y atteler.
Ce midi, mon fils est venu me préparer des pâtes bolognaises pendant que j’étais allongée avec de la glace sur la cuisse. Changement de posture, chamboulement dans les habitudes…C’est bien ce que je souhaitais, non?
Bonne préparation, Lilie. Pour moi, cette fois-ci, mon sac restera vide.
Quatre prêts à partir en 2020 stoppés net à quelques semaines par une pandémie inattendue. Stevenson exprime dans son livre de bord sur le chemin que le voyage décide sa trace de lui même et que le voyageur doit s’adapter. Le chemin se refuse pour 2020. Une année difficile en 2021 avec la fin de vie et la perte de mon père, le chemin ne se fera pas non plus. Pourtant, il est là, tout proche. Mon père me pousse à y aller à travers tous les livres de Stevenson que je trouve dans sa bibliothèque. Voulait-il le faire ? L’aurait-il fait ? La pandémie est toujours là, les gîtes fermés. Difficile de partir dans ces conditions sans emporter la tente et les victuailles pour 2 semaines. Les globe trotteurs que nous sommes ont vieillis… Puis la vie reprend peu à peu. La pandémie recule. On vit avec. C’est décidé, nous partons.
3 à partir en 2022. Le quatrième nous a laché. Graine, Lilie et monsieur Lilie sont de la partie. Manque monsieur Graine, dommage.
La préparation commence. Un chemin bien préparé est un chemin plus tranquille.
1ère étape, l’entrainement. Des randonnées autour des chez nous et chaque fois que c’est possible, en week-end, en vacances, tout est bon pour marcher. Un Paris-Versailles tous les quatre, sans pour autant arriver à décider M Graine…
2ème etape, les étapes ! Graine est plus expérimentée et plus entraînée par son expérience du chemin de compostelle. Ses étapes sont plus longues et moins nombreuses que les miennes. On adaptera au passage. Je prends les billets de train, Graine les 1ers gites d’étape. Nous ne serons pas seuls sur le chemin, la semaine choisie par notre bande de vacanciers éternels tombe entre 2 jours fériés….
Plus les jours passent, plus le projet prend forme.
La voix de Graine
J’ai mis du temps à y croire, à ce chemin. Deux ans ans qu’il s’échappe. Mais, ça y est, il prend forme. Nous partirons à 3, sans mon mari qui ne veut pas venir. Inutile d’épiloguer sur ses raisons, d’autant plus que les raisons affichées sont rarement les vraies raisons. J’ai besoin de partir, de retrouver le rythme de la marche, de vivre à nouveau dehors à regarder le ciel, les arbres, écouter la vie tout autour de moi. D’habitude, je pars seule. C’est une expérience, mais je suis partante. Je déteste les habitudes et la routine. Tout ce qui permet de rompre avec l’habitude est bon à prendre. Je ne suis pas bien préparée. Mon mari rechigne à faire des marches préparatoires. Il n’est pas bien ravi que je m’en aille pour un peu plus de deux semaines.
Notre couple traverse une crise, une énième. Mon mari doit prendre sa retraite en début d’année prochaine. Où nous installer pour la retraite? Nous voulons quitter Paris mais les enfants et petits-enfants vivent à Paris. Mon mari voudrait s’installer au bord de la mer. Je crains fort de m’y ennuyer ferme. Mon médecin m’a mis sous anti-dépresseur. Je ne sais plus de quoi j’ai envie. Je n’ai envie de rien.
Je suis sûre que partir et marcher me feront le plus grand bien. Sur moi, c’est une thérapie qui fonctionne. Je me recentre. Je me concentre sur l’essentiel: marcher, manger, dormir, échanger, regarder, écouter, sentir, ressentir.
J’apprécie mes compagnons de route. Je leur fais confiance. Notre périple sera joyeux et gai. J’ai envie d’en profiter à fond.
Je peine à réserver le 1er hébergement, puis je s’enhardis. La préparation du voyage, c’est déjà le voyage!
Entre un projet et sa réalisation, il y a toujours un monde. Le vocabulaire employé dans les projets ressemble au suivi d’un chemin. Démarrer, conduire, avancer, suivre, semé d’embuches, droit devant, pas à pas, aventureux, voir la ligne d’arrivée. Encore mieux, lorsque le projet est de partir sur un chemin.
L’idée est venue il y a déjà quelques années lors d’un voyage au Puy en Velay. Cette ville est fantastique, animée, agréable, vivante, envoutante. Au détour d’un village, j’ai croisé le chemin. Tout de suite, l’envie de randonner dans ces paysages magnifiques s’est imposée à moi. Je le ferai un jour avec Graine.
Ce jour, on le prévoit, on le fait émerger, on le cale. Ça y est, ce jour ce sera le 8 mai 2020. Il reste 2 mois pour s’entrainer, rassembler les informations et le matériel. Graine a l’expérience de Saint Jacques, elle est de bon conseil.
On parle d’un nouveau virus aux informations.
J’ai acheté une carte topographique et le livre de Stevenson.
Une ville en chine est entièrement confinée.
Espérons que la météo sera avec nous.
Je suis au chapitre 2 du livre. Le confinement est décrété en France. Il reste 6 semaines avant le départ, ça devrait aller.
Stevenson avance avec son âne, ou plutôt l’ânesse décide du chemin pour Stevenson. J’avance avec eux dans les chapitres.
Des règles strictes de sortie avec autorisation sont édictées.
Je suis plongée dans une randonnée au siècle dernier. Plus j’avance dans le livre, plus je sens le chemin s’éloigner. C’est l’anesse Modestine qui décide.
Nous pourrons sortir le 11 mai, pas plus de 100km.
J’ai fini le livre, rangé la carte. On recalera une date. Décidément Modestine ne veut pas démarrer.
Aujourd’hui, premier jour de sortie, nous sommes à Monastier. Prêtes à partir.